Prostates fragiles, s’abstenir. Le Théâtre des Champs Elysées donne sur deux soirées La Passion selon Saint Jean, en deux heures quinze, sans entracte. A la baguette, le chef Leonardo García Alarcón fait merveille à la tête d’une petite formation de musiciens, placés à gauche et à droite du parterre. Sur la scène magnifiée par les lumières sourdes de David Finn, ils sont onze danseurs, comme les onze apôtres sans Judas, assis nus, devant une table pour coudre leur tuniques. « Faire venir l’opéra à l’église », tel était le désir, ô combien réussi, de Jean-Sébastien Bach en composant ses Passions, relatant les dernières heures de la vie du Christ. La Passion selon Saint Jean sera écrite un an après son arrivée à Leipzig dont le conseil se lamentait : « Puisque l’on ne peut avoir les meilleurs, il faut donc prendre les médiocres. » Trois siècles plus tard, on se dit que Dieu a eu de la chance d’avoir Bach; du premier choeur « Herr, unser Herrscher » au final « Ruht wohl (Repose en paix), le public entre comme en méditation devant le ballet chorégraphié par Sasha Waltz, où les corps se lient, s’affaissent, s’écroulent tandis que l’ensemble Cappella Mediterranea et le Choeur de chambre de Namur donnent à entendre une part de divin. Mais, sans doute, cela fut-il trop profane, voire hérétique comme en 1724, pour certains qui n’hésitèrent pas à huer lors d’un silence. « Christ, prends pitié d’eux ».
LM
La Passion selon Saint Jean de Jean-Sébastien Bach au TCE jusqu’au 5 novembre 2024