Encore sous le choc de sa description âpre et brillante de notre société dans Vernon Subutex 1, l’attente était forte de retrouver les personnages de Virginie Despentes: son disquaire devenu SDF, le producteur de cinéma libineux, l’actrice porno Pamela Kant, Aïcha et son islamisme assumé ou encore le fantôme d’Alex Bleach. Dès les premières pages, on est a nouveau saisi par l’écriture rugueuse qui dézingue à tout va: « Mais les mecs sont tous devenus identiques, on dirait qu’ils prennent des cours du soir pour se ressembler le plus possible. Si on ouvrait le cerveau de Laurent en deux pour lui regarder la mécanique, on y trouverait strictement le même arsenal de conneries que dans celui du cadre sup en détresse qui fait ses abdos à côté d’eux : des petites poulettes ultra light, de la verroterie Rolex et une grosse maison sur la plage. Que des rêves de connard. » Installé dans le Parc des Buttes Chaumont, Vernon a organisé sa survie, fait des rencontres comme avec Charles ce clochard qui a gagné le gros lot au loto et ne sait qu’en faire, confirmant que l’argent n’est pas la solution à tous les maux. D’ailleurs, son parc, Vernon ne veut plus le quitter. Alors c’est là qu’ils vont tous venir le rejoindre, à la faveur des réseaux sociaux qui leur permettent de se retrouver. »Ensemble, c’est tout », loin de la littérature bisounours d’Anna Gavalda, Virginie Despentes a écrit un livre sur l’amitié, avec quelques pages fulgurantes comme la confession posthume d’Alex Bleach: « Souviens-toi Vernon, on entrait dans le rock comme on entre dans une cathédrale, et c’était un vaisseau spatial, cette histoire ». Mais voilà, à force des chapitres, cela finit par tourner en rond, privé de l’énergie de la descente inexorable de Vernon à laquelle le lecteur assistait dans le premier tome. Ne reste plus qu’un monde de marginaux où les bons sentiments prennent le dessus. De quoi donner une fois encore raison à Gide…
AW