Un homme. Un tabouret. Le noir. Le décor d’A peine un souffle est planté. Anne Kellen a choisi une mise en scène tout en sobriété. Pieds et mains liés, yeux bandés, un homme tente de s’extirper des griffes de son bourreau. Mais de quoi est-il prisonnier ? De qui ? D’un pervers ? D’un assassin ? Ou est-il en simplement en proie à ses propres démons ? « Qu’est ce que je fais là ? », sa seule réponse viendra d’une voix off angoissante dont on ne sait si la provenance est divine, ou si elle est une émanation de sa propre conscience. Le spectateur, seul interlocuteur tangible de cet homme, se sent pris à parti de cette situation inquiétante. Mauvais rêve introspectif ou prise d’otage, on découvre très vite, un brin caricaturalement, l’aisance financière et le pouvoir de ce captif.
Perte des repères
A la question du « qui es tu ? » on découvre alors un homme suffisant, cynique, et méprisant. Il possède des femmes, nombreuses, mais pas l’amour, une maison mais pas un foyer, une belle cuisine en inox mais dans laquelle les « placards sont vides, il y traine seulement un fond de café ». Sa vie se résume « au boulot, aux jeux, et au cul ». Qui est victime, qui est bourreau dans cette histoire ? A travers cet homme, c’est la société toute entière qui est épinglée et la place de chacun remise en question. Dans un exercice pourtant périlleux, Christophe Allwright réussit une belle performance d’acteur, en donnant vie et corps au texte sans jamais regarder le public une heure durant. Quelques longueurs sont toutefois à regretter, et on a parfois du mal à saisir les véritables intentions de l’auteur. Mais on ne doute pas que ce spectacle prenne en maturité dans les semaines à venir…
Par Laura Baudier
A peine un souffle, d’Anne Kellen, au Théâtre de la Huchette