Avec l’hiver et la chute des températures, le spectre du Covid revient en force; alors pour cette dernière semaine chez UGC où le masque n’est pas obligatoire dès lors que le Pass sanitaire est vérifié, il flottait une impression de liberté bientôt une fois de plus, réduite voire envolée. Voilà qui ne fera pas l’affaire des salles obscures qui ont perdu la moitié du public depuis l’instauration du pass malgré une moisson de bons films, bien loin des séries sans saveur de Netflix. A l’exception de House of Gucci, blockbuster de Ridley Scott qui aurait mérité de rester une vidéo à la demande, Nanni Morreti pour son treizième film et Emmanuelle Bercot illuminent cette semaine, malgré les drames de leurs « vrais gens ». Une sensibilité qui fait « leur patte », de celle qui fait un artiste, qu’il soit peintre, musicien ou réalisateur. Après le très beau long métrage sorti en 2013 , Elle s’en va, Catherine Deneuve avait judicieusement promis à Emmanuelle Bercot qu’elles retourneraient ensembles. Deux ans plus tard, l’actrice retrouve la magie de leur duo avec son rôle tout en nuances de juge des enfants dans La tête haute. Mélanger les couleurs, voilà en effet ce que Emmanuelle Bercot réussit avec virtuosité dans l’écriture de ses scénarios et de ses dialogues comme dans La Fille de Brest, un film qui revenait sur le combat de la lanceuse d’alerte Irène Frachon contre l’Etat et le puissant Laboratoire Servier. Le sens du rythme, l’art de l’ellipse, la réalisatrice a confiance dans son public; en cela, elle rejoint le réalisateur italien Nanni Moretti. De leurs films, on sort ainsi honorés, avec cette impression que tous deux, comme les plus grands, font confiance à l’intelligence de leurs spectateurs.
De l’ombre à la lumière
De son vivant, film peu bavard, évite tout pathos en s’appuyant essentiellement sur ses personnages, entre Benoît Maginel (sans doute un César du meilleur acteur à la clé) , particulièrement émouvant dans son chemin vers la mort, accompagné de Catherine Deneuve, toujours aussi juste avec l’ impression qu’ elle ne joue pas mais qu’elle « est » cette mère réduite à l’impuissance, et un cancérologue qui joue son propre rôle, Gabriel Sara. Le film tourne autour de sa mission: dire la vérité car « le malade voit toujours quand on lui ment » puis encourager à « ranger la table de sa vie » avant le grand départ. La mort rôde également dans Tre Piani de Nanni Moretti, même si elle reste circonscrite au coin de la rue, dans cette adaptation du roman Trois étages de l’auteur israélien Eshkol Nevo. Dans les premières images, une voiture folle projette violemment une passante en l’air et finit dans l’appartement d’un couple et de leur fille de sept ans; il fait nuit, une voisine part, seule, accoucher. Le conducteur, ivre, est le fils d’un juge joué par Nanni Moretti, auquel il demande un traitement de faveur, avec la rage et la peur de ceux qui savent qu’ils vont tout perdre. Le père demeurera inflexible tandis que sa femme, elle, ferait tout pour sauver « son enfant ». Dans ce film choral, le réalisateur italien de La chambre du fils, Mi Madre, Journal intime ou Habemus Papam– des films qui montrent l’étendue de son talent, du drame en passant par la comédie-tisse la toile de vies ordinaires qui vont se croiser, pour le meilleur ou pour le pire, jusqu’à atteindre la lumière, chacun accomplissant ce que d’aucuns nomment le destin.
LM