Folie, nom féminin
1.
Trouble mental ; égarement de l’esprit.
2.
Manque de jugement ; absence de raison.
Pour Blaise Cendars, la folie serait le propre de l’homme; on pourra toujours trouver des contre-exemples comme ces chiens encagés dans les refuges qui sautent à l’horizontale sur les murs ou ces cerfs qui se battent jusqu’à entremêler fatalement leurs bois. Mais l’homme reste champion en la matière. Folie mentale, folie meurtrière; et comme l’argent rend fou, depuis deux mois, celui qui porte le prénom d’un personnage sympathique car parfaitement idiot, inventé par Walt Disney, c’est le monde entier qui tremble devant sa bêtise. D’une simple bande géographique, volée dans le passé, martyrisée dans le présent, il parle de faire une Riviera; d’une banquise préservée, il veut puiser toutes les richesses du sol tout comme, à des milliers de miles, acheter une paix improbable en échange de terres fertiles. Avec un nouvel allié qu’aucune dystopie n’aurait pu imaginer. Leur argument commun est devenu mondial: assurer sa sécurité. La peur de l’autre devient alors le prétexte de toutes les folies humaines. Des peuples et de ceux qui les gouvernent. Elle débute par le nationalisme, revêt les habits séduisants du populisme pour finir en fascisme. Confiscation du pouvoir, oubli de l’intérêt général pour ne plus penser qu’au sien, le monde se redéfinit entre les proies et les prédateurs. Les faibles et les forts. Les croyants et les mécréants. Ceux qui ont des armes et ceux qui n’en ont pas. L’Amérique rejoue les cow-boys contre les indiens, l’Europe tremble devant « le grand remplacement » que d’aucun nomme Le suicide Français, en cours de traduction en anglais.
A en devenir fou
Face à cette actualité anxiogène et le retour à une violence archaïque où la vie humaine ne vaut rien- que ce soit celle d’un enfant à Gaza ou Karkov, d’un jeune soldat russe ou d’une Française victime de féminicide, le monde semble être devenu un asile de fous à ciel ouvert où jouer au golf en mauvaise compagnie vous offre les clés du Pentagone, où The perfect wife rêve de voir des chiens de traineaux et les chercheurs s’interdirent toute expression traquée par l’IA qui pourrait ne pas être « Trumpelly correct ». Le maccarthysme, dans sa version 2025, est de retour; artistes, journalistes se mettent au garde à vous comme en Chine quand on commence à parler de certains Américains qui deviennent des « réfugiés politiques » en traversant l’Atlantique. Bibi a remis à la mode l’antisémitisme, Donald, l’anti-américanisme. Et nous, dans tout ça? On s’étonne que les démocrates-au sens premier du terme-ne descendent pas dans la rue, bien moins courageux à Washington ou Los Angeles qu’à Istanbul ou Moscou. Ils ne risquent pourtant rien, contrairement à ceux qui s’opposent à deux dictateurs où la liberté de la presse a depuis longtemps disparu; informer en Turquie ou en Russie, c’est choisir entre la prison sans procès avec Erdogan ou l’empoisonnement avec Poutine.
Pas mieux chez nous
Heureusement, en France, nombreux sont les journalistes toujours libres de se mobiliser autour de faits divers, entre un remake de l’affaire Grégory et la chute d’un acteur dont on préfère le Cyrano de Rostand au Gros dégueulasse de Raiser. Libres encore, certains avocats, grâce au formalisme, de transformer l’agresseur en victime, de faire libérer des condamnés ou mettre en cause les juges lorsqu’il s’agit de mettre en prison un ancien président de la république. Plus chanceux, l’actuel semble avoir sauvé sa peau, jouant de nouveau les chefs de guerre, après les bâtisseurs de cathédrales. A ce stade, on ne s’étonne pas que Nicolas Demorand fasse son « coming out » avec pour mantra: « Je suis un malade mental ». Levé toute la semaine à 3h30 pour commenter cette actualité sur la matinale qui réveille cinq millions de Français, il y a en effet de quoi tutoyer la folie entre l’infobésité consentie, la pression sidérale et ce mode de vie « à l’envers ». Un témoignage percutant et d’autant plus étonnant qu’il vient d’un journaliste au profil offensif . Loué « pour son courage » par ses confrères qui y voient déjà le Metoo des « malades mentaux », aucun d’eux ne se risque à rappeler que Nicolas Demorand a, au préalable, signé son nouveau contrat de travail. Fini pour lui « d’hurler avec les loups » sur France Inter, c’est sur BFMtv que le journaliste, passé par la rédaction en chef de Libération-une erreur de casting-fera sa rentrée en septembre. Déjà tiré à 100 000 exemplaires, avec une promotion digne d’un blockbuster pour vendre 18 euros la centaine de pages de Intérieur nuit, le coup éditorial est parfait- on a affaire à un pro. Mais une maladie, et la bipolarité en est une, ne définit pas la personne comme les phrases chocs de l’animateur pourraient le laisser croire. Au buzz actuel, le réalisateur Joachim Delafosse, dans son film Les intranquilles tout comme la romancière Delphine de Vigan avec Jusqu’au bout de la nuit, avaient préféré prendre leur temps et su mélanger les couleurs. De quoi inspirer tous ceux qui réduisent le monde à deux blocs, le bien et le mal, eux et les autres. Et ont la folie de croire qu’ils seront du bon côté s’ils détruisent l’autre.
Par la rédaction