Si la météo fut des plus clémentes pendant toute la Quinzaine de Cannes, cette première édition chapeautée par Pierre Lescure a été résolument décevante. Deephan Palme d’or, Emmanuel Bercot, Prix d’interprétation féminine, la sélection officielle a été bien terne face aux sélections parallèles où l’on vit des pépites comme Much Loved. Et hormis le film de clôture, La glace et le ciel de Luc Jacquet, un plaidoyer saisissant pour notre bonne vieille terre en compagnie du merveilleux Claure Lorius, on avait vraiment de quoi repartir à Paris désespéré entre Chronic, journal de bord d’un accompagnateur en soins palliatifs, ou l’insoutenable Fils de Saul.
Et puis voilà qu’arrive sur les écrans, The lobster, Grand prix du Jury, que nous avions raté sur la croisette. Un film à vous sauver un festival, à vous transporter dans un 1984 du sexe- décrivant un monde utopique ô combien effrayant- on appelle ça une dystopie- où le célibat devient passible d’emprisonnement. 45 jours pour trouver une compagne comme ce quadra moustachu- incroyable Colin Farell- interné dans cet hôtel spa de luxe avec son chien, enfin plus exactement son frère, qui a echoué l’exercice deux ans plus tôt. Car, quiconque ne trouve pas ici l’âme soeur à coup de soirées dansantes déprimantes et promenades en forêt, est transformé en l’animal de son choix.Yórgos Lánthimos a écrit un petit chef d’oeuvre où chaque réplique fuse, chaque tableau fait sens; l’intelligence de la mise en scène y est au service d’un cynisme décapant et jubilatoire dans ce monde où tout est devenu déshumanisé, y compris les rebelles. Car, comme dans le 1984 de Georges Orwell, il se trouve des hommes et des femmes qui résistent tout en sombrant eux-mêmes dans un autre totalitarisme de la pensée, ne laissant aucun espoir quant à un possible amour entre un homme et une femme. Mon « autre moi-même » comme le chantait Barbara n’a ici aucune chance.
LM