En ce sinistre mois de février 2014, où les reportages vantent l’homme connecté de demain-une puce insérée sous la peau pour téléphoner ou déclencher sa machine à laver à distance, voilà un film qui devrait être remboursé par la Sécurité sociale. On s’offre tout d’abord comme dans chaque film de Wes Anderson un pur orgasme esthétique, mais aussi une tranche de nostalgie filmée avec virtuosité, récréation de ce monde d’hier en hommage à Stefan Zweig. Que de magnificence, d’élégance dans ce palace où officie Monsieur Gustave, le concierge, impérial Ralph Fienes, omniprésent, passionné de poésie et au service particulièrement attentif de ses clientes… Après le décevant Moonrise Kingdom de l’an dernier, le réalisateur d’origine texane qui habite désormais à Paris a réalisé un pur bijou de créativité, d’humour avec des rebondissements en pagaille et en toile de fond le maelstrom politique en Europe Centrale des années 1930; le nazisme, le statut d’apatride, le film ne se contente pas de divertir, il est également l’occasion d’être en prise directe avec l’histoire de notre siècle. Rajoutez que cette course poursuite digne de Buster Keaton dans des paysages neigeux sublimes donne de surcroit lieu à une galerie de portraits où les stars défilent comme dans une soirée de remise aux Oscars, et vous aurez avec ce Grand Budapest Hotel le feu d’artifice de cet hiver, deux heures jubilatoires qu’il faudrait être masochiste de rater.
AW