Que se passe t-il actuellement sur la planète football ? A l’heure où les transferts de joueurs atteignent des sommes extra-ordinaires, où les projets de stades d’envergure sortent de terre comme à Lille, Marseille, Le Havre ou bientôt Lyon et Nice, où les droits télés continuent d’aiguiser les appétits et donc les prix, le football connait la désaffection du public français. Baisse de la fréquentation des stades de 10 % et du nombre de licenciées-moins 14%, les raisons de ce désamour sont profondes, diverses et pour tout dire assez symptomatiques de l’air du temps…
Le football de clubs en Europe est devenu aujourd’hui le temple de l’inégalité et de l’iniquité. Et son joyau, la ligue des champions regroupe désormais tout ce que le football représente de plus injuste et d’ inadapté dans le sport moderne.
Injuste, sur le plan de l’équité sportive. Les clubs du continent européen et d’Israël, qui sont qualifiés pour cette compétition, ne fonctionnent pas selon le même régime économique. Lors du dernier match Olympique Lyonnais / Real Madrid d’octobre dernier, nous avions d’un coté un club français ayant pour obligation de ne pas être en déficit à la fin de son exercice, alors que le Real, lui, qui est déjà endetté jusqu’au cou, peut présenter des bilans négatifs et continuer d’acquérir des joueurs de premier plan chaque saison. Le tout en escomptant les sommes qu’il obtiendra la saison suivante aux titres de ses droits TV et ses ventes d’actifs- les joueurs. Mais voilà, si demain Cristiano Ronaldo se brise le genou quid de ses 94 millions d’euros de transfert et de son salaire annuel de 9 millions d’euros ?
Inadapté, sur le plan de la compétition sportive pure. La formule actuelle de la ligue des champions, c’est à dire par phase de poules, crée elle même le désintérêt du public pour les matchs. Le fait que le spectateur payant ou le téléspectateur puisse connaitre ou aie l’impression de deviner les résultats à l’avance fait ainsi perdre tout intérêt aux matchs avec des surprises qui viennent maintenant plus souvent des maillots version «Europe» de l’OM ou de Manchester United que du jeu sur le terrain! A l’origine de cette formule instaurée en 1993, deux buts: le premier, multiplier les matchs afin de valoriser financièrement leur compétition auprès des diffuseurs européens; le second, favoriser les grands clubs grâce au système de mini championnats qui tue quasiment toute possibilité de victoires de la part de clubs plus modestes. Ainsi qui se rappelle aujourd’hui des belges d’Anderlecht, des danois de Brondby, du club de Rosenborg en Norvège, les Glasgow et Rangers en Ecosse ou même le grand Ajax d’Amsterdam.? Au mieux les petits clubs forment-ils désormais les jeunes qui sont revendus avant leurs 20 ans aux grosses écuries. Nos clubs français sont ainsi régulièrement pillés de leurs meilleurs espoirs,et relégués en queue de peloton de la ligue 1. Dernier représentant au plus haut niveau européen, l’AS Monaco, entrainé par Didier Deschamps, finaliste en 2004, est aujourd’hui au fond du classements de Ligue 2…
Enfin, inique, voire pire. Comment peux t-on en effet ne pas utiliser aujourd’hui l’arbitrage vidéo? Lorsque que l’on sait qu’il existe désormais pas moins de dix caméras sur un match de ligue des champions, avec des ralentis dans tous les sens, l’arbitre, le «directeur du jeu», avec deux yeux pour juger, continue pourtant de prendre tout seul la décision finale. De quoi énerver le téléspectateur, qui, lui, de son canapé, jouit de trois angles différents pour juger. Alors, pourquoi l’arbitrage vidéo, qui existe dans toutes les disciplines majeures du sport-tennis, rugby, basket, athlétisme- est il absent en football ?
Quant à l’équipe de France, entre les mutins de Knysna, les matchs soporifiques sur des terrains improbables en Albanie ou aux Iles Feroés, les moeurs libertines de certains joueurs, les autres qui snobent le public, les affaires comme la dernière en date sur les quota dans la formation des jeunes et le coup de boule de Zidane, les bleus, notre équipe de France, ont connu en cinq ans une descente aux enfers sans précédent. De quoi se poser des questions au plus haut niveau de la fédération française de football d’autant que le nerf de la guerre, les audiences TV audiences sont en berne. À la grande époque, Patrick Lelay et TF1 se frottaient les mains lorsqu’ils programmaient un match des bleus, assurés du raz de marée en termes de part de marché. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un concurrent vienne disputer le leadership à la «une». Deux exemples récents : Lyon/Real de Madrid : 5,1 millions de téléspectateurs, «La France a un incroyable talent» sur M6 : 5 millions. Exemple confirmé par le France / Etats Unis de la mi-novembre qui a rassemblé 5,35 millions de personnes sur TF1 avec 22,7% de part de marché, tandis que NCIS comptait presqu’autant avec 5,20 millions de fans. Impensable il y a encore quelques années. Pour avoir un ordre d’idée, le 12 Octobre 2005, la France jouait face à Chypre au Stade de France devant 13,3 millions de téléspectateurs…
Certes, l’équipe de France fédère moins, mais l’intérêt sportif des matchs de qualifications a lui aussi perdu de son attrait. L’évolution politique des différents pays d’Europe de l’Est a ainsi conduit à une création de plusieurs républiques indépendantes, engendrant une multiplication de rencontres face à des nations «footbalistiquement» très en deça que ce soit sur le plan du jeu, des infrastructures (stade, pelouse, supporters) ou des standards actuels d’accueil et de communication (médias, hébergement), avec pour conséquence des matchs insipides voire, selon les destinations, carrément à risque.
Alors, oui, le football doit être réformé en profondeur. D’autant qu’il vit au dessus de ses moyens et n’est pas à l’abri de s’effondrer avec certains clubs dans des championnats majeurs comme en Espagne ou en Italie qui ne peuvent désormais plus payer leur joueurs ( voir The Madrider dans la rubrique Other). Lorsque l’on voit que de l’autre coté de l’Atlantique, la saison du championnat Nord américain de Basket ball, la NBA, est en passe d’être tout simplement annulée pour cause de grève des propriétaires de clubs, on se dit que dès que le fan n’achète plus chaque année les maillots, qu’il va moins au stade, et qu’il ne regarde plus les retransmissions TV, la fin est proche. En Europe, en football, on y est presque.