Ne vous laissez pas impressionner par le bâtiment quasi stalinien qui abrite le Wiels-le Musée d’art Contemporain-de Bruxelles, à l’origine une brasserie, au premier sens du terme. On y fabriquait en effet jusqu’à récemment la bière, d’où son nom actuel qui rend hommage à la marque de la boisson produite autrefois, le Wiels. Après une vingtaine d’années d’inactivité, le bâtiment a été repensé pour devenir un lieu de création et d’exposition qui accueille de nombreuses artistes en résidence, et dont l’espace est réservé jusqu’à fin 2014 à ce jour. Il demeure cependant un bar parmi les cuves de fermentation toujours intactes dans l’immense hall du musée, qui ajoute à l’authenticité du lieu : l’endroit est agréable, on peut s’y retrouver pour travailler ou boire un verre, feuilleter les livres de la librairie, rencontrer les résidents qui occupent les étages supérieurs, et bien sûr, visiter les expos.
Malaise quasi physique
Nominé et exposé au rencontres d’Arles pour le prix découverte en 2011, Leigh Ledare expose aujourd’hui au Wiels sur tout un étage, mélangeant photos, lettres, projections compositions de magazines et journaux. Les thèmes : sa mère et le sexe. Il y a de quoi être surpris lorsque l’on tombe sur ces photos plus qu’explicites alors même que l’on s’attend, certes à des photos assez intimes, mais pas aussi crues. L’objet principal de l’exposition, c’est le quotidien de l’ancienne actrice porno qu’est la mère de l’artiste. Des images d’autant plus choquantes que le complexe d’Oedipe non fini d’un jeune artiste n’a à priori par beaucoup d’intérêt pour les visiteurs. Images animées de sa mère malade dans un lit d’hôpital, de sa mère pleurant sur les épaules d’un homme (Shoulders), de son regard dur mais à la fois triste, voilà qui suscite un sentiment troublant, gênant, voire un malaise quasiment physique. Il est clair que si l’on ne comprend pas nécessairement le message de l’artiste, cette exposition ne laisse pas le spectateur indifférent : l’univers est dur, froid, assez malsain, mais les photos sont magnifiquement sincères, elles ne dissimulent pas, elles ne font pas semblant, donc elles offensent.
L’inachevé dans l’art
Atelier et laboratoire d’une artiste plasticienne bruxelloise pour la première fois exposée dans son pays, la seconde exposition n’est retrace le fil de ses recherches sur la forme, les contours, la matière, et met en évidence le caractère inachevé, et somme toute éternelle de tout art plastique. On ressent l’intimité de l’artiste qui explore un monde, son monde, et qui ne parvient pas toujours à atteindre ses objectifs; on effleure ce qui peut se dérouler entre la conception de l’idée et la réalisation de l’objet. Toutefois le premier étage, principalement ciblé sur la notion d’essai, d’observation, de tentative, n’en demeure pas moins difficile à saisir, et semble plutôt parler aux initiés de l’art contemporain. On admire cependant la superposition de fils de nylons cloués au sol jusqu’aux vitres, imitant l’éclat des rayons de soleil, et la superbe ouverture au dernier étage qui offre un panorama marqué par le titre de l’expo : Wor(ld)k in Progress, avec cette idée que l’art peut vous « emplir » aussi bien qu’une choppe de bière!
Par Marie Fouquet
Infos sur site du Wiels
La mère, version Leigh Ledare