Un spectacle pour le chœur, tel était le point de départ de la production confiée à Dirk Opstaele, qui, outre plusieurs mises en scènes, avait déjà réalisé pour l’Angers Nantes Opéra, Galantes Scènes, mêlant théâtre et opéra avec Arlequin poli par l’amour de Marivaux et La Serva Padrona de Pergolèse. L’idée ayant germé avec le désir d’écrire une œuvre inspirée de Tchekhov, elle a accouché d’une création inédite, La Dernière Fête, « tableaux chantant pour onze comédiens et chœur a cappella » traduisant en musique cinq des pièces de l’écrivain russe librement adaptées et condensées, la partie musicale ayant été confiée à Kurk Bikkembergs, qui a harmonisé des mélodies populaires slaves.
Et ce sont bien des toiles sonores mobiles qui se déroulent sous nos yeux, l’action étant commentée par un mime limité à l’essentiel – et des surtitres. En peu de gestes et pas davantage de notes, on est plongé dans l’atmosphère inimitable des drames. Nul besoin alors de décors ou d’accessoires : ce presque rien suffit à faire émerger les situations d’un plateau nu. Des claquements de doigts pulsés régulièrement imitent le tic-tac de l’horloge et la mollesse du temps qui passe. Un violent coup de tambour, et c’est la gâchette d’un révolver – le suicide de Konstantin dans La Mouette et celui d’Ivanov…
Tableaux mouvants
Dans ce théâtre rêvé baigné par la mélancolie des occasions ratées, le son suffit au sens – c’est ainsi qu’au milieu d’une soirée en russe avec surtitres en français l’interversion des langues dans Les Trois Sœurs provoque un effet comique. La composition de l’ensemble se révèle d’ailleurs d’une belle subtilité. Si les séquences d’Oncle Vania décrivent des scènes assez simples, elles se développent dans La Mouette et Ivanov où les pièces chorales se répondent et composent des « actes » riches, complexes et mouvants, jusqu’à la vente de La Cerisaie.
Associé aux forces de l’opéra de l’Opéra de Nantes et Angers, l’Ensemble Leporello, venu de Belgique, force l’admiration par la précision du travail commun, dont la sonorité globale, presqu’instrumentale quand elle se libère des mots, évoque celle d’un orchestre – un orchestre de voix. Par son économie dépouillée, le spectacle, créé à Nantes le 19 janvier dernier, se prête admirablement à des salles de dimensions plus modestes. La tournée dans la région Pays de la Loire vient de commencer par Saumur – où l’institution nantaise et angevine a déjà présenté trois productions au cours de la décennie – avant de s’enfoncer dans les méandres de la Loire et de ses affluents, où il fera bon musarder pour ces vacances de Pâques en écoutant Tchékhov…
GL
La Dernière Fête, Angers Nantes Opéra, tournée en Pays de la Loire jusqu’au 25 avril 2014 : Saumur, 15 avril ; Haute-Goulaine, 16 avril ; Segré, 18 avril ; Laval, 22 avril ; Pont-Château 24 avril ; Châteaubriant, 25 avril.