5 février 2012
Là bas, à Homs

La pancarte qu’il brandit devant sa webcam est sommaire : « Nous sommes massacrés à Homs. Aidez-nous ! Vite !!! »Depuis Al-Khalidya, le quartier rebelle, cible principale des bombardements de la nuit, un jeune lance des  appels au monde entier à travers Al-Jazirah: « Arabes ! Occidentaux ! Voyez ce qui nous arrive ! ». Les tirs ont  commencé vendredi vers minuit. Pendant trois ou quatre heures des pluies d’obus se sont abattus sur les habitants de Homs, la « capitale de la révolution syrienne ». Homs, ville martyr qui défie le pouvoir de Bachar El-Assad depuis des mois. L’intensité des tirs a réveillé cette cité habituée aux bombardements provenant des quartiers contrôlés par les forces du régime de Damas. « Les gens ont vite compris qu’il s’agissait d’une attaque exceptionnelle ! »

Ce samedi matin, les habitants cherchaient les victimes parmi les décombres des immeubles détruits. « Impossible de donner les chiffres précis des victimes. Il y a des corps partout et le tri entre morts et blessés est en cours ! » nous confie un témoin sur place. Il parle de 300 morts dans le seul quartier de Khalidya.

Posté devant l’hôpital Al-Amal, un autre habitant a compté 400 blessés transportés à l’hôpital en début de matinée. Les miliciens sont intervenus pendant la nuit à l’intérieur de l’établissement et ont tiré sur les médecins et les blessés.

« Le régime profite de chaque heure du sursis accordé par la communauté internationale pour commettre plus de crimes, » observe un commentateur. Stupéfiants de cynisme, les médias officiels accusent des « bandes armées » d’avoir commis des horreurs à Homs pour faire pression sur les diplomates de l’ONU. « Ce régime a de toute évidence perdu la raison ! Il s’est lancé dans une guerre folle contre le peuple après un vendredi où l’on a compté pas moins de 600 manifestations à travers le pays, » écrit sur Facebook Mazen Adi, un intellectuel syrien en exil.

Le plus grand massacre depuis le début des révoltes

La mobilisation en effet été considérable ce vendredi 3 février, journée placée sous le signe de la commémoration des 30 ans du massacre de Hama. La tuerie commise en 1982 par les forces de Hafez El-Assad, père de l’actuel président syrien, avait fait entre 15 000 et 25 000 morts, selon les sources. L’attaque de Homs a fait des centaines de victimes: il s’agirait du plus grand massacre depuis celui de la place Sa’a, la place de l’Horloge, lorsqu’un sit-in avait été réprimé dans le sang par l’armée syrienne. » Les Maîtres de Damas sont des « bouchers » de père en fils ! », s’indigne un  observateur. La révolte entamée en  2011 a déjà fait plus de 5000 victimes. Qu’attendent l’ONU, Nicolas Sarkozy et Barack Obama pour intervenir? La Russie et la Chine ont opposé leur véto à un projet de résolution de l’ONU condamnant la répression en Syrie et demandant le départ du président syrien Bachar Al-Assad.

Une « solution décisive » comparable a été évoquée par la presse officielle syrienne depuis une dizaine de jours, depuis l’échec annoncé de la mission des observateurs de la Ligue arabe en Syrie « S’il n’y avait pas le direct sur les chaines Al-Jazirah et Al-Arabyah, on aurait achevé la révolte de Homs en moins d’une heure », avait confié en novembre dernier Assaf Chawkat, beau frère de Bachar El-Assad et l’un de ses chefs militaires. Ces propos ont été révélés par Anouar Malek, l’observateur algérien qui a déserté et dénoncé la mission de la Ligue arabe, lors d’une rencontre avec la presse au début de semaine à Paris.

Dans sa stratégie de survie à tout prix, le régime syrien reste persuadé qu’une répression accrue peut venir à bout de la contestation. Un « massacre pour l’exemple », à Homs notamment, est considéré comme clé. Mais cette féroce répression ne fait que grossir les rangs des protestataires, enhardis par les désertions qui se multiplient dans l’armée. Il en est ainsi depuis le début de la révolution.

La colère après cette nuit meurtrière a fait sortir des milliers de manifestants samedi matin dans plusieurs villes du pays, notamment dans les environs de Damas. Même dans le quartier martyr de Khalidya à Homs qui enterrait ses morts. Au risque d’en avoir encore et encore… Et de se demander combien de victimes faudra-t’il de plus et quel est le plancher fixé par les chinois et les russes afin que cessent ici les meurtres de se poursuivre?

 

Par Hala Kodmani

Articles similaires