Sorti avant l’été, le livre était vendu avec un bandeau voulu rassurant en annonçant la préface d’un auteur connu, Jean-Paul Dubois. Six mois plus tard, la couverture de la « bleue » de Stock a été remplacée par une jaquette qui ne met plus en avant que le chien de ce livre devenu phénomène- on en est à plus de 300 000 exemplaires vendus, après vingt six rééditions et quinze traductions- et son auteur, le discret Cédric Sapin-Defour, alpiniste et anciennement professeur de gym. Invité sur maints plateaux TV depuis la rentrée-les chaînes adorent les « phénomènes », Cédric Sapin-Defour « fait le job », assurant la promotion « par respect de mon contrat avec Stock » ajoute-t’il. « J’avais eu de bons retours de Gallimard et Flammarion après l’envoi des quatre premiers chapitres mais c’est Stock que j’ai choisi avec cette idée qu’avec eux, j’irai bien boire un verre de vin ou un café. » Cela, après deux ans d’écriture, « sans routine mais quand l’écriture appelle, pour répondre à l’élan d’oser dire l’amour et la tristesse ». Car il s’agit bien ici d’amour inconditionnel comme seuls les chiens savent en donner et de fait, en recevoir. Cela des premières pages où à la faveur de ces anciens journaux gratuits départementaux qui manquent aujourd’hui tant, l’auteur va chercher chez Madame Château, un chiot bouvier, soit de ces chiens qui font trois kilos les premiers mois et deviennent de gros bébés énormes ensuite-un vrai chien, quoi; c’est l’année des « u », ce sera donc Ubac. Mais là où le livre devient plus que la narration de leur vie commune, soit treize ans, c’est le style époustouflant de l’auteur, des premières lignes, « Une porosité au bonheur ou quelque chose comme ça. Sinon qui peut expliquer l’inattendu? » à la dernière « Que le plus de toi persiste », qui envoûte. On est saisi par son humanité- ne comptez pas sur lui pour faire dans le « déçu par les hommes, jamais par mon chien ».
Cédric Sapin-Defour vous fera vibrer avec la nature, la montagne, une compagne bien humaine, Mathilde et les compagnons de jeux qui rejoindront Ubac, histoire d’amoindrir la douleur qui viendra avec ces gros chiens qui ont un seul défaut, partir trop tôt. Le chiffre 7 n’est pas ici un chiffre porte bonheur, le 13 non plus, mais l’expression de la loi de la nature; un chien vieillit sept fois plus vite qu’un homme et pour les plus gros, leur corps les lâchent avant d’avoir l’âge d’un humain adolescent. « Bêtes à chagrin » dit-on. Sous la plume vibrante de celui qui ne dira jamais être »maître » de son chien, cela devient « Il y aura donc de te voir sans cesse, surgir de chaque pièce, de chaque portière et de chaque nuit, de t’entendre à tout frottement jusqu’aux hallucinations. Il y aura de voir Mathilde liée de mal et qui s’est toujours, malgré les équilibres, considérée seconde pour les choses te concernant, jusqu’aux notes de chagrin, rappelle-moi de lui dire chaque soir comme sa peine équivaut la mienne. » On aurait envie de continuer cette litanie de « Il y aura » qui mouillera bien des yeux des chanceux qui n’ont pas vu de contrainte dans l’idée d’avoir un chien; de devoir le sortir quotidiennement, mais au contraire de vivre une histoire d’amour à laquelle les mots de Cédric Sapin-Defour donne une brillance et une grâce telle que l’on pourrait citer le livre entier. En ce qui nous concerne, avant Jim « sans laisse, ni maître », il y eut Jules et Umbo, briard devenu un immense tas de poils noirs qui avait, lui aussi, une odeur après la pluie à jamais ancré en nous.
LM
Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour chez Stock, 20 euros
Umbo, parti lui aussi à treize ans, des torrents de joie puis de larmes…