Le public du Théâtre du Châtelet ne s’y est pas trompé. Uns standing ovation plus trois rappels pour il est vrai rien de moins sur la scène qu’ un Trésor national vivant. C’est en effet ainsi que le Japon nomme les homme (et les femmes?) qui, depuis 1955 perçoivent une pension, en échange de perfectionner et transmettre le savoir qu’ils incarnent. Une super « Légion d’ honneur » en somme, mais qui n’existe qu’en matière d’art et d’artisanat, ce qui résout le problème pour les artistes de l’accepter ou la refuser afin de ne pas se retrouver avec la même distinction que Maurice Papon.. mais là n’est pas le sujet, surtout après cette soirée où l’on touchait presqu’au divin avec la grâce incarnée par Tamasaburô Bandô, le plus grand acteur de Kabuki de son temps. Ainsi, spécialisé dans les rôles de femmes sur scène -onnagata- il incarne avec le minimalisme propre à l’exercice trois scénettes, sur la musique méditative d’un koto et d’un shamisen, deux instruments à cordes japonais et la voix étonnante de Seikin Tomiyama. Et d’entrer en communion avec la salle pleine à craquer venue voir ce danseur glissant sur le sol, semblant quasi irréel ; lequel a par ailleurs travaillé avec Béjart et n’était pas venu en France depuis vingt-six ans. Tel un magicien, il évolue avec un économie de gestes envoûtants et une plénitude proche du Tai chi, vêtu d’un sublime kimono ou d’un manteau mordoré aux étoffes qui semblent irréelles de beauté. Le dernier tableau, une immense branche de cerisier tombant du plafond plongea la salle entière dans une estampe d’ Hiroshigue, faisant monter une clameur dans la salle. Alors comme dirait la longue dame brune, passée elle aussi seule et ovationnée sur cette même scène en 1993, « Pour tant de grâce et de beauté, merci et chapeau bas »…
LM
Jiutu, solos de Kabuki les 6 et 7 février puis Opéra Le pavillon aux pivoines du 10 au 16 février au Théâtre du Châtelet