En 2012, les habitants d’une vingtaine de pays prendront le chemin des urnes. Dans l’espoir pour certains d’accéder à la démocratie, « pire des systèmes à l’exception de tous les autres » comme l’avait, ô combien justement, souligné Winston Churchill. Daniel Leconte, grand reporter, prix Albert Londres pour La Deuxième vie de Klaus Barbie, auteur d’une cinquantaine de documentaires, signe avec cette série » I love Démocratie » dans six pays- la Tunisie, la Russie, la Turquie, l’Inde, les États-Unis et le Maroc- de passionnants carnets de route à la rencontre des populations. Le résultat offre une radioscopie toute en nuances et extrêmement riche avec des témoins qui semblent s’inscrire dans l’histoire en marche. Ainsi, l’émission consacrée à la Russie est-elle édifiante lorsque de Vladivostok à Moscou, elle montre comment les russes perçoivent les élections qui s’annoncent le 4 mars prochain, avec cet espoir d’imposer à Poutine au moins un second tour. Comment ces anciens déportés par Staline, de grands-pères en fils, doivent supporter aujourd’hui encore, en plein centre ville, des immenses affiches à l’effigie de Staline, leur bourreau.
Fraude et corruption
« Nous sommes censés vivre dans une démocratie mais lorsque l’on regarde les autres pays d’Europe, on n’a pas l’impression d’avoir la même chose » commente une jeune fille qui rêve de quitter la Russie- comme 40% de ses jeunes-pour rejoindre sa sœur qui vit au Japon. Tous expriment la même lassitude, le désir d’un autre monde, loin de cette corruption qui pourrit leur vie quotidienne. Comme Daria, cette mère qui a vu mourir son bébé, faute de services pédiatriques; tous les hôpitaux de sa ville, Novossibirsk, l’ont refusé. Autre poison, la fraude organisée dans les bureaux de vote. Fausses procurations, bourrage d’urnes, Russie Unie, le parti de Poutine a tranquillement aux dernières élections législatives majoré au moins de 20 points son score, lequel a pourtant été le plus faible de son histoire. Il y a ainsi dans ce pays comme dans beaucoup d’autres, une Russie de plus en plus riche, qui graisse la patte aux policiers, pour commettre des délits en toute impunité et une de plus en plus pauvre, avec 10 000 SDF, souvent adolescents, rien qu’à Moscou. Ainsi, le 24 décembre, 100 000 personnes, du jamais vu depuis 20 ans, sont descendues dans les rues pour crier leur rejet de ce système quasi mafieux et de cette corruption qui est pourtant devenue pour de plus en plus de russes une façon de survivre. Concluant ses rencontres en interviewant un officiel au service de Poutine, Daniel Leconte s’entend alors répondre que celle-ci est le mal qui ronge tous les pays et que dans le nôtre, il lui semble que notre Président n’est pas épargné (référence sans doute à l’affaire des frégates). De quoi confirmer s’il le fallait que les leçons en matière de démocratie sont bien difficiles à donner…
Par Laetitia Monsacré
I love democracy-diffusé sur Arte- à revoir sur Arte+7