Olivier Py est un metteur en scène brillant. Et , sans doute avec Laurent Pelly, le plus talentueux de sa génération -autant à l’aise dans le théâtre que dans l’Opéra où tout deux excellent au gré des productions. Son Roméo et Juliette crée au théâtre de l’Odéon (dont il vient de perdre la direction au profit du pas très vaillant Luc Bondy– ami cher à Carla Bruni Sarkozy) offre ainsi une relecture géniale de l’esprit des tréteaux qui inspira Shakespeare: la salle de théâtre qui reste allumée, des décors mobiles déplacés par les comédiens, des déguisements burlesques et une traduction parfois salace- l’exercice est un sans faute- cérébralement parlant. Car pour ce qui est des émotions, voilà qui est autre chose. « Ce bref amour inquiet et marqué par la mort qui, trois heures durant va se montrer à vous sur cette scène » se heurte en effet, malgré l’appel à l’envoutant Concerto n°2 de Rachmaninov ou du Carnaval des animaux de Camille Saint Saens , à un jeu des comédiens- formidables au demeurant- qui ne vous tirera pas une larme. Après un passage assez lourd voir déplacé sur l’homosexualité latente de Roméo et Mercutio- une relecture plus que biaisée- c’est avec un soulagement certain de pouvoir enfin se lever que vous accueillerez l’issue fatale de cette pièce qui n’en finit pas de finir. Et du coup devient exigeante, bien loin de l’intention première de Shakespeare. Dommage car il savait mieux que tout autre raconter une histoire, avec ce génie de la rendre intemporelle et universelle. Ainsi cette scène où Juliette, trainée par les cheveux « Tu es à moi , c’est déjà un malheur d’avoir une fille, tu es notre malédiction » devient soudain la triste représentante de toutes ces jeunes musulmanes ou autres victimes des traditions que l’on marie encore aujourd’hui de force. Quant à la langue, elle demeure un pur plaisir à entendre : « ta beauté a ramollit l’acier de mon courage », « il est parti trop tôt en méprisant la terre », « ce mot de banni qui tue sans tuer » , « ma pauvreté accepte mais mon âme refuse »; voilà qui donne envie de lire ou relire le dramaturge et de saluer la bonne volonté d’une troupe jeune et talentueuse qui aura annoncé en préambule, avec beaucoup de justesse « Notre âme est imparfaite mais nous voulons vous plaire ».