« Il faut enterrer les morts et réparer les vivants ». Avec à l’esprit cette phrase tirée de Platonov de Tchekhov, Maylis de Kerangal a publié en 2014 un livre fulgurant de beauté-lire notre critique– qui a récolté dix prix littéraires et conquis 250 000 lecteurs. Adapté à deux reprises au théâtre- lire notre interview à Avignon il y a deux ans- voilà donc l’adaptation au cinéma très attendue de Réparer les vivants par la jeune Katell Quillévéré qui avait étourdi le public avec son précédent film, Suzanne. Le pari est assurément gagné; là où les mots de l’auteur pulsaient tel un coeur pour décrire la chaine humaine qui se tisse lorsque la mort fauche, comment l’on résiste en essayant que la vie l’emporte malgré tout avec le récit de cette transplantation d’un organe devenu inutile à un jeune homme de 17 ans mais salvateur pour une femme de 50 ans, la réalisatrice a su trouver les images, jouer avec les silences et offrir un film chargé d’émotion sans jamais tomber dans le pathos. La scène de l’accident est imaginée comme une vague, la ville du Havre dont l’écrivain est originaire devient un personnage tandis que les docteurs sont chargés de donner un sens à la pire injustice qui soit. Lorsque son coeur est clampé, qu’il quitte ce corps dont le cerveau est mort depuis longtemps, Simon entend la mer comme ses parents l’ont souhaité. Il est alors libre de sauter vers ailleurs comme le film le montre avec grâce, cet ailleurs d’où l’on ne revient pas.
LM