Avec les premiers bourgeons vient le bal des nouvelles saisons, ouvert à Paris comme c’est la coutume par l’Opéra. Avec cette idée de reprendre toujours les mêmes et de recommencer. A croire que le répertoire lyrique ou les ballets se limitent à une quarantaine d’ouvrages qu’il suffirait de faire tourner d’une saison à l’autre avec les plus grandes stars – ou du moins estampillées comme telles. Avec en prime des reprises de l’année en cours : Alceste et La Traviata pour les nouvelles productions par exemple, mais aussi l’inusable Bohème mis en scène par Jonathan Miller déjà donnée en deux séries de représentations en mars et juillet – et sans répétition générale, inutile de toute façon à ce degré de recyclage. De quoi donner envie de prendre le train et aller en province, la SNCF est d’ailleurs partenaire de l’Opéra de Paris! Ainsi le fascinant Elektra de Patrice Chéreau (diffusé sur Arte ce dimanche à 23h15) était à voir à Aix et non Paris qui en a donné une version en octobre de Robert Carsen nettement moins inspirée).
Alors bien sûr, il y aura en 2015 des nouvelles productions, mais loin d’être exclusives. Le Barbier de Séville revisité par Damiano Michieletto qui fera venir pour la première fois sur une scène française le jeune ténor américain René Barbera a déjà été deux fois à l’affiche de Genève – on en a d’ailleurs fait écho dans ces colonnes – avant de partir pour un road trip au moins européen. Adrienne Lecouvreur ? De Barcelone et Londres la brave dame en aura fait de la route avant d’arriver place de la Bastille, revêtue par le metteur en scène David McVicar.
Quoi de neuf, beaucoup de vieux!
Rajoutez un Enlèvement au sérail certes, absent à l’Opéra de Paris depuis longtemps, Le Cid, qui prouve que Massenet ne se limite pas à Werther et la reprise de Manon – dans la vision très peu inspirée de Coline Serreau. Heureusement, le Roi Arthus, suivant ainsi l’exemple de l’Opéra du Rhin sera à l’honneur en juin 2015- eh oui, il faut savoir être patient à l’Opéra. Ce grand ouvrage oublié de Chausson empreint d’influence wagnérienne et dont l’ouverture imite à s’y méprendre la Chevauchée des Walkyries…Reste à savoir si Roberto Alagna sera à sa place dans le redoutable rôle de Lancelot – du moins aura-t-il sans doute un français plus idoine que celui d’Andrew Richards annoncé à Strasbourg.
Côté danse, on n’est d’ailleurs guère mieux loti avec un lot d’éternelles reprises –ah Casse Noisette à Noël!- seul se détache Le Chant de la Terre de Neumeier, une vraie honte lorsque l’on sait que des chorégraphes comme John Cranko dont on vient encore de voir l’ Oneguine a composé pas moins de 60 ballets , Balanchine plus de 150 , Kenneth MacMillan un Mayerling superbe que l’on ne voit jamais; Neumeier doit en être lui à son 80eme ballet sans compter Jiri Kylian pour ne citer que les plus grands d’inspiration classique ou néoclassique.
Le Comique et le TCE plus verts…
Et pourtant, à défaut d’être plus verte, l’herbe peut avoir un goût moins monotone ailleurs. Il n’est qu’à se pencher sur ce que propose l’Opéra Comique, avec il est vrai un répertoire spécifique, et une jauge à mille places qui, en un sens, autorise plus de risques. Et le Théâtre des Champs Elysées n’est pas en reste où cette année après un Dialogues des carmélites très réussi d’Olivier Py, c’est l’Otello de Rossini ce mois d’avril qui arrive de Zürich avec Cecilia Bartoli. Certes, les coproductions sont désormais légion, et l’on ne saurait le reprocher aux opéras en ces temps de disette budgétaire. Mais faut-il se résoudre à une limitation de l’offre quand au contraire le procédé devrait favoriser les projets originaux ?
En province, les papilles lyriques trouvent souvent des plaisirs plus piquants. Lyon en fournit un excellent exemple – les récents Cœur de chien et Comte Ory le prouvent à merveille. Nancy et Barbe-Bleue vu ces dernières semaines démontrent encore qu’il est des trésors méconnus même chez des compositeurs célèbres comme Offenbach. Et pourtant les moyens sont nettement plus modestes. Les cachets aussi sans doute, mais la qualité artistique n’est heureusement pas seulement une question de gros sous. Quoique…