La calculette qui s’emballe. Le train plus la voiture pour aller dans ce bled des Pyrénées où l’enneigement promettait d’être excellent, l’hôtel au départ plutôt raisonnable -tu m’étonnes vu le nombre des pistes et les photos, ils n’allaient pas se prendre pour les Airelles de Courchevel non plus. Ces trois jours au ski -option « low profile »- semblaient bien tentants. Et puis, ce soleil, la plage, la perspective d’une gare bondée, et le montant obscène avec le supplément chambre familiale, petits déjeuners non inclus -huit euros par enfant alors qu’ils prennent un bol de céréales- tout cela pour les voir descendre trois pistes sur des skis -et encore en tombant vu leur âge , heureux certes mais pas plus qu’en restant ici, avec la mer au bout de la rue et le robinet à dessins animés ouvert, bref- j’ai annulé. Adieu forfaits, location de skis, combinaisons et autres équipements périmés dès l’an prochain. La France était en crise, il fallait se montrer solidaire. Leur apprendre que non, maman n’était pas un distributeur d’euros comme la banque du Monopoly et qu’en passant par la case départ, on ne recevait pas 20 000 euros dans la vraie vie. Le Monopoly qui s’imposa contre toute attente… Bientôt, le soleil fit grise mine puis à la faveur d’un caprice, surtout en ce mois de mars, le boss d’en haut décida que puisque j’avais renoncé à la neige, il la ferait venir jusqu’à moi. Rien que ça. Je n’avais pourtant rien demandé, juste une légère culpabilité qui subsistait mais vu mon compte en banque, très vite dissipée; de là à avoir quarante centimètres dans le jardin, c’en était gênant… Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Bigre, voilà qui ressemblait à des supers pouvoirs mais pas forcément très évidents à long terme à assumer. Car, s’il fallait que je l’apprenne, la neige c’est surtout bien à la montagne. Ailleurs, ça devient très vite encombrant. Dix minutes de marche, et « maman, j’ai froid, mes pieds sont trempés, je veux rentrer »; le blizzard qui fouette le visage, l’eau qui fond sur la moquette, les gants qui dégoulinent, la seule chose agréable: ce silence qu’aucun moteur ne brise, les voitures transformées en cachalots comme échoués sur le bas-côté, inutiles et laids. Un coup de balai-brosse et l’antenne satellite -Alléluia- s’est remise à fonctionner, sauvant les matinées, les après-midi et les soirées où nous n’avons pas été -gloire à Dieu- privés d’électricité. Les journaux nous donnaient des images de ces naufragés qui veulent toujours tenter leur chance et se désolent ensuite d’avoir été piégés. Le moment d’annoncer un impôt chasse-neige? Voilà qui serait apprécié. Pour le poney, alternative au ski promise aux enfants, c’était en tout cas raté. Heureusement demain est toujours un autre jour; la fonte des neiges est arrivée au premier rayon de soleil, offrant des paysages de débâcle. Voilà, avec François, la maison Dieu qui rentre en ordre, du moins pour cette semaine et de ce côté de l’hémisphère…
LM