Trois jours durant, en juillet et janvier, Paris devient la capitale de la mode « absolue ». La pure, la haute, qui ne s’adresse qu’à une poignée de clientes, capables de faire trois essayages, attendre des semaines durant leur pièce unique et la payer en conséquence-entre 10 à 100 000 euros. Et s’il est vrai qu’il n’est pas envisageable, dans un certain milieu, de croiser une autre femme portant la même robe que vous à une soirée, les clientes sont de moins en moins nombreuses; cela, même si les clientes indiennes et chinoises qui se sont rajoutées aux américaines, russes et femmes du Moyen Orient, optent à leur tour pour ce qui a fait la réputation d’excellence et d’unicité des maisons françaises. De quoi ironiser, comme Jean-Jacques Picart, conseiller chez LVMH, qui la compare à Versailles, au point « qu’on est content qu’il y ait encore des gens pour visiter le château ».
Des critères adoucis
Résultat, d’une centaine de maisons en 1945, elles ne seront plus que 23 à défiler à partir du 23 janvier prochain avec un cahier des charges très précis: présenter au moins 25 modèles originaux -au lieu de 50 à l’origine- conçus par un créateur permanent, réalisés sur mesure et à la main. Des critères qui ont été adoucis pour permettre aux jeunes créateurs de pouvoir continuer à défiler, avec désormais trois catégories : la première regroupe les maisons possédant l’appellation « Haute Couture »-au total onze maisons-avec le tiercé historique et prestigieux, Chanel, Christian Dior et Givenchy puis plus récentes et modestes, Anne Valerie Hash, Ateliers Gustavolins, Christophe Josse, Franck Sorbier, Adeline André, Maurizio Galante et Stéphane Rolland. Jean-Paul Gaultier ayant pour sa part fait le choix onéreux d’accéder à ce carré d’or en 2001, -il est vrai, aidé par le Groupe Hermès, entré en 1999 à 35% dans son capital.
C’est en effet pure folie de se lancer dans la haute couture avec un modèle économique prompt à provoquer un infarctus chez son banquier; des matières premières hors de prix, des milliers d’heures de travail à la clé -donc des coûts salariaux en conséquence et des acheteuses qui se comptent sur les doigts d’une main de lépreux… Alors, où est l’intérêt ? Eh bien, le marketing ! Un défilé, c’est de la publicité gratuite dans des centaines de magazines y compris à l’international; l’occasion de montrer le savoir faire d’une maison et s’assurer une image de marque haut de gamme qui permettra de vendre parfums et produits dérivés comme les accessoires et autres articles siglés. De quoi s’assurer un retour sur investissement qui n’a pas manqué d’attirer des maisons étrangères, les membres « correspondants » dont le siège ne se trouve pas à Paris: Elie Saab, Giorgio Armani, Maison Martin Margiela, Valentino et Versace, qui fait en 2012 son grand retour dans l’univers de la haute couture. Enfin, dans la dernière catégorie, les membres « invités », on retrouve les jeunes maisons avec des créateurs émergents comme Alexandre Vauthier, Alexis Mabille, Bouchra Jarrar, Giambattista Valli, Iris Van Herpen, Julien Fournié- ancien directeur artistique de la Haute Couture de Torrente- Maison Rabih Kayrouz, Maxime Simoens, Yiginq Yin, qui deux années durant doivent faire leurs preuves pour accéder à la première catégorie.
Une relève jeune et talentueuse
Une relève bienvenue lorsque l’on sait que des marques comme Yves Saint Laurent, racheté par PPR-François Pinault , a cessé de défiler en couture en 2002, tout comme Christian Lacroix, à l’époque propriété de LVMH-Bernard Arnaud, dont les sublimes modèles et le final en pluie d’oeillets appartiennent au passé depuis 2009. Balmain a pour sa part tiré sa révérence en 2005 ainsi que Torrente et Hanaé Mori, partie à la retraite, et Ungaro lors de son rachat par le groupe Salvatore Ferragamo.
Mais un pari pas évident pour ces jeunes maisons, comme Dominique Sirop, ou Anne Valérie Hash laquelle ne compte que 14 salariés et ne défileront pas cette année. Alors la haute couture est-elle vouée à disparaitre ? La question revient comme une ritournelle à chaque saison. Didier Grumbach, président de la Chambre de Haute Couture depuis 2009 se veut rassurant en expliquant combien « la Haute Couture conserve le pouvoir d’institutionnaliser une marque et de la rendre intemporelle ». D’autant que l’on voit émerger une nouvelle forme, le « prêt à couture », qui voit naitre le demi mesure et des pièces réalisées en petites séries comme chez Maison Martin Margiela dont les modèles sont présentés non plus lors d’un défilé mais en salons particuliers, ou Alaïa, adepte du modèle réalisé sur la cliente.
De quoi redonner le sourire à ces créateurs « artisans » qui doivent composer avec les financiers, ce qui n’est pas vraiment aisé…
On vous donne en tous cas rendez-vous dans cette nouvelle rubrique pour suivre ces trois jours durant des défilés so chic et so french…
Par Laetitia Monsacré et Julie Lacourt
Les créations fantaisistes et sophistiquées d’Alexis Mabille, qui défilera le 23 janvier 2012 dans le cadre exceptionnel de l’ Hôtel Shangri-La.
Elie Saab, qui défilera le 25 janvier 2012 au Grand Palais, mélange les cultures orientales et occidentales pour des pièces fluides et précieuses.