« Dans la vie, ce sont les 80 premières années qui sont les plus dures, après ça va tout seul ». Pierre Bouteiller, mort hier à 82 ans n’aura donc eu que deux années faciles…A voir son parcours, on doute pourtant que cela ait été trop difficile pour lui avec la vie qui lui avait fait le cadeau d’une voix en or, d’un humour décapant et la nonchalance d’un dandy. L’ouïe aussi, son sens de prédilection, qui le mena en remportant un concours vers la radio à Europe 1 (arrivé ex aequo avec Philippe Labro) d’où il se fit virer à l’image d’une Dorothy Parker et des ses acolytes du New Yorker, incarnation de la rébellion revendiquée lorsqu’on écrit son texte. Ainsi reste t’il dans les mémoires l’animateur du Masque et de la plume et passionné de jazz, un de ses plus fiers héraut, jouant lui même du piano.
Trenet, la blue note et l’impertinence
La musique était en effet sa vie, l’écoutant et la jouant sans retenue, détestant le solfège pour lui préférer le rythme et les note avec une prédilection pour cette fameuse blue note, note bleue bien connue des jazzmen. C’est d’ailleurs avec eux Dizzy Gillespie, Duke Ellington, Ella Fitzgerald que France Musique lui a rendu hommage tout au long de la journée. Sans oublier Trenet auquel il vouait un culte absolu baptisant un des grands auditoriums de Radio-France à son nom.
«Il n’aimait la radio que libre, toujours aux aguets de ce qu’il ne connaissait pas.» résume Gérard Lefort de Libération, faisant découvrir aux auditeurs de France Inter une myriade de nouveaux artistes, toujours aux aguets de petits jeunes comme Laurent Ruquier qui dit tout lui devoir, confirmant définitivement être «un vieux qui n’a jamais été adulte». Homme d’esprit, il aimait les saillies digne de son mentor, Sacha Guitry. J’ai eu la chance de l’interviewer jeune journaliste en 1994 en sa maison ronde de la Radio où il était patron de France Musiques. J’en garde aujourd’hui encore le souvenir d’un homme à l’oeil rieur et terriblement vif avec lequel je serai bien restée très longtemps…