Après notre lettre à Oncle Vania, c’est au tour du Petit Nicolas de faire l’actualité…Les écoliers sont en effet à la « une » en ce début de semaine, avec pour les descendants du héros de Sempé et Goscinny, ce que l’on appelle » les rythmes scolaires » qui ne lui permettraient plus aujourd’hui ses pitreries. La raison? Plus de temps, plus d’énergie avec des journées de presque dix heures pour certains et ces réveils aux aurores dès le plus jeune âge-de quoi avoir l’impression certains matins de les « violenter » (lire notre Brimborion). Alors raccourcir les journées? Le ministre de l’Education Vincent Peillon dit « mercredi« , d’autres « raccourcissons les vacances » quitte à se mettre à dos le lobby du tourisme tout puissant (aux USA ils ont celui des armes, chacun sa culture…). En tous cas personne n’est d’accord avec lui comme le confirme ce texte d’une enseignante en CP dans une école du 15 ème arrondissement de Paris que nous publions ce 22 janvier.
La réforme Peillon : alléger les rythmes scolaires ?Expliquez-moi comment en ajoutant une demi-journée de travail aux élèves du primaire, on va alléger les rythmes scolaires. Notre Ministre de l’Education Nationale serait –il magicien ? Pour la majorité des enfants, le temps passé à l’école va augmenter : en plus des 9h30 heures passées à l’école chaque jour, 4 jours sur 7 (6h de temps de classes ajouté aux 4 h de temps périscolaire), ils vont devoir ajouter encore 3 heures le mercredi matin. Trois heures, c’est là une vision optimiste. En effet, on peut supposer que les parents qui travaillent le mercredi vont opter pour la solution la plus facile et la moins coûteuse : laisser leurs enfants au centre de loisir le mercredi après-midi.
La réforme voulue par le Ministre de l’Education Nationale oublie une chose essentielle : la coupure du mercredi est profitable aux élèves. Elle leur permet de se reposer, de faire un break, de sortir de l’école pour faire autre chose et, pour les plus grands, de se mettre à jour dans leur travail de classe. Désormais, le mercredi se passera entièrement à l’école pour les moins chanceux et à la maison à faire son travail de classe pour les autres. Quid des activités hors centre de loisir auxquelles participaient les enfants le mercredi ?
Il faut savoir que la vie à l’école n’est pas de tout repos pour les enfants : la vie en collectivité est fatigante pour eux. Ils sont sollicités en permanence pendant le temps scolaire car les programmes annuels sont très chargés. En outre, durant le temps périscolaire, ils doivent supporter un volume sonore souvent très élevé et une promiscuité peu propice au repos.
Je crains également que cette réorganisation des rythmes scolaires accroisse les inégalités entre les élèves. Certains enfants, les plus aisés, pourront sortir de l’école avant les autres et auront accès à des activités diverses et variées (sport, musique, langues…). Ils pourront rentrer chez eux plus tôt et couper avec le rythme scolaire si fatiguant pour eux. D’autres, les plus nombreux, seront contraints de rester à l’école jusqu’à 18h00.
En outre, cette réforme impose aux enseignants du primaire une augmentation de leur temps de travail sans contrepartie aucune. Nous allons devoir rester à l’école aussi longtemps qu’avant : nous allons devoir venir travailler le mercredi matin et, le reste de la semaine, assurer une présence de 2h45 en milieu de journée au lieu de 2h00 à l’heure actuelle. Quel salarié du privé accepterait une telle augmentation de ses sujétions sans broncher ? Les formations obligatoires que nous devions suivre le mercredi matin seront reportées le mercredi après-midi ou le samedi matin. Adieu le mercredi passé à préparer mes cours. Si j’ai choisi ce métier, ce n’est pas seulement parce que j’aime travailler auprès des enfants c’est aussi parce qu’il permet de partager son temps de travail entre l’école et son domicile. Aujourd’hui on nous taxe de « corporatisme étriquée et lamentable » alors que nous ne faisons que défendre ce pour quoi nous avons choisi ce métier.
Enfin, un tel flou entoure les modalités de mise en œuvre de cette réforme que nous ne sommes même pas assurés que notre outil de travail quotidien, je veux parler de notre salle de classe, va être respecté. Il est plus que vraisemblable que les activités périscolaires destinées à accueillir les élèves entre 11h30 et 14h15 et le mercredi après-midi se déroulent dans nos classes. Ces mêmes classes où nous entreposons du matériel personnel nécessaire à la conduite de notre activité et où nous préparons nos cours quand les élèves n’y sont pas. Comment réaliser un travail de préparation efficace au milieu d’enfants plus ou moins bien encadrés ? Cette réforme des rythmes scolaires est donc une mauvaise réforme : son application ne bénéficiera pas aux élèves et rendra le métier d’enseignant encore plus difficile qu’avant. Ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur le contenu et les méthodes de nos enseignements ? Ou s’interroger sur les causes de l’hétérogénéité toujours plus forte entre les élèves au sein d’une même classe et ce dès la maternelle ?