Carrefour de la création musicale, le festival Aujourd’hui Musiques – nul hasard dans ce pluriel – constitue un moment incontournable dans le paysage culturel français, et bénéficie désormais avec sa résidence au Théâtre de l’Archipel d’un outil à la hauteur d’une programmation inventive indifférente aux cloisonnements habituels. La preuve en est donnée par les deux spectacles de clôture : Fall, fell, fallen et Les Beaux Orages.
Le premier est le fruit de la rencontre entre un équilibriste, Sébastien Le Guen et un musicien électro, Jérôme Hoffmann. Duo intime sur la scène du Carré, les motifs sonores émergent comme un commentaire aux acrobaties sur pilotis, planche de bois, tapis trempé, etc., dans un véritable dialogue entre sons et matière, jusqu’à faire de celle-ci un transformateur électroacoustique à l’instar de la banderole en tissu sur laquelle évolue le funambule. A rebours de traditions très écrites, le spectacle assume sa dépendance aux hasards de la performance. Plutôt que la perfection, c’est la fragilité de la réalisation artistique qui est ainsi soulignée. Toujours sur la corde, ces cinquante minutes suscitent des images fugaces, jusqu’à une conclusion en forme de crucifixion instable. Si le matériel musical se montre souvent docile envers la scénographie, sa modestie concourt à cette alchimie du pas grand-chose qui fait la magie du spectacle. Et en sortant, on peut poursuivre son exploration ludique des interactions entre matière et son avec une mini-exposition de machines comme celle où les basses fréquences agitent des grains de maïs selon le bouton sur lequel on appuie.
Magie du rythme
Jeu et magie, c’est ce que l’on retrouve avec Les Beaux Orages, dans la grande salle rouge du Grenat. Initié il y a dix ans, le collectif Petit Travers s’est étoffé au fil des projets jusqu’aux sept jongleurs de cette pièce avec dispositif sonore créé par Pierre Jodlowski, composition régulièrement présent dans la programmation d’Aujourd’hui musique. Du titre, on retiendra les grondements et éclairs électroacoustiques qui plongent dans l’attente d’une chaude nuit d’été. De même que la veille, la musique se retrouve à égalité avec la réalisation acrobatique, évitant ainsi l’écueil de la simple illustration. On aurait pu attendre une montée en intensité au cours de la soirée, mais le spectacle privilégie résolument une virtuosité immédiate. Par leurs figures et leurs rythmes récurrents, les séquences entretiennent une complicité avec le public. On se laisse prendre à ces effets hypnotiques et les âmes d’enfant ressortent comblées par cette abstraction acrobatique dénuée d’intellectualité. Plus que jamais la musique contemporaine dément sa réputation de cérébralité et se révèle accessible à tous…
GL
Festival Aujourd’hui musiques, du 15 au 23 novembre 2013 – Fall, Fell, Fallen, 22 novembre et Les beaux orages, 23 novembre