Antonin Dampierre, jeune agent immobilier, est un homme toujours tiré à quatre épingles, très méticuleux. C’est un maniaque de l’ordre et de la propreté : « Sa passion était le nettoyage qu’il pratiquait comme un sport de combat ». Un jour qu’il est sur le point de vendre un bel appartement à de riches clients, deux ivrognes se plantent devant l’immeuble et régurgitent l’alcool englouti, à leurs pieds, compromettant ainsi la vente d’Antonin. Celui-ci, furieux, passe à tabac l’un d’eux et le laisse pour mort.
A partir de ce moment, il ressentira un besoin irrépressible et malsain d’éradiquer la pauvreté humaine en éliminant les individus les plus démunis. Puis, Isolde, une femme âgée d’une quarantaine d’années et engagée dans la lutte contre la misère, l’embauchera comme bénévole dans son association. Parviendra-t’elle alors à le changer ?
Chacun pour soi
Dans son dernier ouvrage, Pascal Bruckner s’attaque à un thème fort, la misère humaine. Il décrit avec justesse le monde de la rue, ses travers impitoyables. La ville-lumière prend un autre visage et se révèle une véritable jungle : « Paris n’était pas une fête, Paris était une fiente. Ici, peut-être battait le cœur du monde mais un cœur plein d’ordures ». Mendiants y logent et luttent pour leur survie. Nombreuses sont les guerres de clans avec pour seule devise d’être chacun pour soi. Car en effet, dans cet univers désargenté où règne la pauvreté, c’est la loi du plus fort qui s’impose. Chacun se bat pour sauver sa peau : « Le principal ennemi du clochard, c’est le clochard lui-même ». Par ailleurs, l’auteur présente deux personnages complètement opposés. Antonin, un homme aux idées abjectes et à la moralité plus que douteuse au point de supprimer les personnes les plus faibles, en ayant le sentiment pervers de « nettoyer » la ville. Et Isolde, qui représente elle, a contrario, la bonté même par ses actes de charité. Charité du reste si grande, si appuyée, qu’elle en paraît faussée avec cette idée que la philanthropie peut parfois être trouble chez certains humanitaires prêts à aider leur prochain.
C’est avec un style très fluide et une belle prose que Pascal Bruckner nous confronte à une réalité difficile à accepter : la pauvreté. Et nous fait prendre conscience de la peur qui tenaille chacun face à elle, l’angoisse profonde de basculer dans ce « gouffre ».
Un livre poignant, qui fait réfléchir sur les conditions de vie difficiles de certains êtres et qui, malheureusement ne va qu’en s’accroissant. A lire absolument.
Par Elise David
La Maison des Anges de Pascal Bruckner, publié chez Grasset, 22 euros