« La gloire m’a détruit ». C’est Serge lui-même qui le dit. Lucien Ginzburg devenu Serge Gainsbourg, six millions de disques vendus, une vingtaine d’albums, une cinquantaine de tubes, des chansons écrites pour les plus belles filles de l’époque-stop, n’en jetez plus. Et d’ailleurs, après le film de Joann Sfaar, on pouvait penser que sur Gainsbarre, tout avait été dit. Documentaire? Film? « Je suis venu vous dire… » de Pierre Henri Salfati est à l’image de Gainsbourg- pas vraiment défini. Mêlant images de film avec des acteurs et images d’archives, il évite les commentaires; seul, Serge ici parle. Et c’est tant mieux, il a tant de choses à dire… Car, toute la réussite de cet « hommage »– le réalisateur raconte qu’il lui « devait « bien ça, ayant piqué copieusement tous ses disques quand il était jeune- tient dans cette voix qui commente rétroactivement sa propre vie, de l’enfance à la fin. De ces premières années où il apprend le piano avec un mouchoir sur le coin du clavier « tellement c’était pénible ». La musique? Il l’a « pulsée » dès le ventre de sa mère, mais tenté par les arts majeurs-la peinture, c’est Boris Vian qui lui fit découvrir, un soir où il passa dans un cabaret, « qu’il y avait quelque chose à faire ». La guerre, l’étoile jaune, Lucien se souvient avec ses mots « un conte de Perrault, la forêt, c’était dur-quoique, le son des oiseaux… ». Le voilà maintenant avec Jane, poussant un landeau rue de Verneuil. Jane après Brigitte, « Vous êtes si belles, et je suis bien laid ». Comment il était misogyne « T’as vu ma gueule, merde, ben oui, moi j’attaque, je veux pas me faire bouffer ». Et comment il aurait aimé être peintre « comme Raphaël mais il fallait un mécène derrière moi, et je me suis toujours méfié de ce qui est derrière moi ». Alors bien sûr, il parle d’alcool, « je suis sorti du régiment alcoolique » appelant à la rescousse Hemingway « l’alcool conserve les fruits, le tabac, la viande ». C’est qu’il faut le comprendre, lui que sa mère ne voulait pas et qui fut sauvé à la faveur d’une bassine qu’elle trouva trop sale. « J’ai 45 ans de sursis », de quoi être agressif de temps à autre, surtout avec ces journalistes qu’il évite soigneusement. « Je ne suis pas un homme d’esprit et je n’aime pas les lieux communs alors, je suis condamné au silence… ». De Charlotte, il dit « ce sera une fleur ou une mauvaise herbe »; voilà aussi Nana, sa chienne adorée qu’il a pleuré « plus que son père. Mais surtout au fil des images et de ce qu’il dit, c’est sa difficulté d’être, ce métier « qui te coûte très cher » et ce cynisme qu’il adopte pour pouvoir continuer « en connaissant le prix de tout et la valeur de rien ». Vous l’aurez compris, c’est surtout un homme sensible et capable d’une introspection rare que ce film inspiré donne à voir, créateur génial de mélodies, usant des notes comme des femmes « elles m’ont blessé, je les ai blessées- tout baigne…dans le sang ». Et qui se rêvait dadaïste, avec sans doute comme épitaphe « à quoi bon? « .