Enfin la gauche se fait entendre ! Enfin la gauche assume d’être de gauche ! Enfin la gauche expose son refus de mourir ! Quel week-end ! Entre Jean-Luc Mélenchon et ses 130 000 militants et Benoît Hamon et son Bercy blindé – 20 000 militants à l’intérieur, 5000 à l’extérieur – la gauche a démontré ses forces et ses ambitions. Elle a aussi exclu toute idée de renoncement, toute aventure défaitiste, toute option mortifère ! Allez hop, place à l’espoir, au renouveau, au monde de demain, aux solutions du futur. Et même si le combat présidentiel est rude, violent et certainement pas à son avantage, la gauche a fait le pari de croire et de recommencer à être elle-même ! Oui, à un mois du premier tour, dans cette campagne présidentielle affolante de contradictions, de trahisons, d’ambitions déçues et de lâchetés individuelles, et après cinq années durant lesquelles elle était devenue inaudible à cause de tant de renoncements et de compromissions, la gauche s’est remise à parler le langage que l’on attend d’elle, elle s’est remise à parler le langage qu’elle n’aurait jamais du abandonner ! A la trappe le social libéralisme, à la trappe les discours de rigueur et d’abandon, à la trappe les empêcheurs de rêves, la gauche, la vraie a retrouvé sa rigueur, son exigence et sa passion. Cela suffira-t-il pour remporter la présidentielle ? Peut-être pas, mais la volonté de construire et de reconstruire s’est mise en branle. Le temps de la refondation a commencé et Benoît Hamon, fendant l’armure de sa timidité et de sa réserve, s’est installé comme celui qui, parce qu’il est digne et rigoureux dans ses options et dans ses engagements, semble le mieux placé pour guider la gauche.
Le match des gauches
Examen de passage grandement réussi donc pour Benoît Hamon. Un discours dense, humain, volontaire, ambitieux et incitant à l’espoir. Examen de passage mitigé pour Jean-Luc Mélenchon. Certes la démonstration de force, sur le plan comptable, est réussie mais son discours, quelques fois trop grandiloquent, n’a pas été d’un enthousiasme fou. La comparaison obligée entre les deux tribuns de gauche qui, comme un jeu de miroirs, se sont affrontés en l’espace de deux jours, ayant à cœur et l’un et l’autre de prouver leur puissance, la force de la résonance de leurs idées, tourne à l’avantage de Benoît Hamon. Ces deux là avaient, il est presque inutile d’insister sur ce point tant il semble logique, comme ambition de se positionner pour le leadership de la gauche post présidentielle. Les libéraux du PS rejoignant en masse Macron, Manuel Valls tergiversant et se ridiculisant en postures contradictoires – comme quoi l’ambition à outrance peut conduire à bien des reniements –, la gauche et notamment le PS, s’il sait faire preuve d’intelligence, a devant lui un boulevard pour redevenir une grande force politique crédible et incarnant la quête de tous les possibles. Benoît Hamon, s’il n’est pas empêché par ses camarades a devant lui un boulevard pour reconstruire un grand mouvement social et écologiste qui tôt ou tard saura retrouver l’oreille et l’affection des français. Enfin, la gauche semble vouloir clarifier sa situation et ses valeurs. Que le PS implose vite et qu’un soupçon de radicalité vienne lui donner une nouvelle direction. Enfin les choses sont claires ! Enfin il y a un projet de gauche ! Enfin la gauche n’est plus parasitée par ceux qui s’en réclament mais l’ont violentée, trahie et contorsionnée. Allez ouste, comme dirait Mélenchon !
Mélenchon affaibli ?
Voilà bien tout le problème du leader de la France insoumise, un PS renforcé et débarrassé de ses errances représente un danger pour ses propres ambitions. Il est plus facile de grimper dans les sondages lorsque la gauche socialiste se perd dans un gloubi-boulga informe, lorsqu’elle pactise avec l’austérité, lorsqu’elle oublie se mission première de générosité. Il est plus aisé d’incarner la rupture avec le monde de l’argent fou lorsque le socialisme, pas le moins du monde éhonté, semble l’épouser et lui offrir tant de facilités, que lorsque le candidat socialiste le fustige, le dénonce et se propose de le combattre. Alors pari perdu pour Mélenchon ? Cinq années de colère et de travail pour rien ? Non parce que ses valeurs sont nécessaires et que la gauche doit toujours se rassembler si elle veut gagner. Mais le leader du Parti de gauche semble dépassé, incapable de déborder le cadre de ses militants. Il n’est pas logique qu’après cinq années d’opposition virulente et absolue il stagne toujours aux alentours de son score de 2012. Si ses propositions imprimaient véritablement dans le pays, il devrait faire 20 ou 25% des intentions de votes. Alors, la question se pose, le renouveau de la gauche passe-t-il par Mélenchon ? Les électeurs de gauche ne lui feront-ils pas payer sa trop grande radicalité et son refus d’alliance avec Benoît Hamon ? Ne choisit-il pas d’une certaine façon de rester cantonné au rôle d’agitateur sans volonté réelle de prendre le pouvoir et de l’assumer ?
En revanche et pour la première fois, hier à Bercy, Benoît Hamon, sans doute parce qu’il n’avait pas le choix, s’est obligé à incarner une espérance. Il a, pour la première fois, habité le costume présidentiel. Il a refusé de s’excuser d’être de gauche et a refusé de n’être qu’un candidat de témoignage. Il a pris acte pour le futur et a redonné un cap à une gauche déboussolée. Un peu comme Lionel Jospin en 1995 qui savait qu’après deux septennats de François Mitterrand la victoire était impossible, Benoît Hamon – et même si les circonstances sont très différentes – a choisi lui aussi de penser à demain, de penser à la refondation d’un idéal. Il était temps que la gauche se reprenne, il était temps qu’elle parle fort et clair à nouveau tout simplement parce qu’elle est essentielle, comme la droite, au débat démocratique, malgré tout ce que peuvent dire les populistes de tous ordres.