Ils sont à Gaza, forcément. Fondé en 1971 à Paris par un journaliste, Raymond Borel avec l’idée de recruter des médecins pour venir en aide aux victimes des catastrophes naturelles ainsi que Xavier Emmanuelli et Bernard Kouchner, tous deux docteurs confrontés à la guerre civile et la famine au Biafra, l’ONG (organisation non gouvernementale) Médecins sans frontières a inventé l’humanitaire moderne: soigner et informer. Présente depuis vingt ans dans la bande de Gaza, MSF faisait, depuis les manifestations de 2018, essentiellement de la chirurgie réparatrice suite aux tirs israéliens sur les manifestants palestiniens. 40 000 morts et 92 000 blessés plus tard avec la guerre menée par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023, 700 membres palestiniens et une trentaine de collaborateurs internationaux sont présents en cette fin août 2024 avec une « zone humanitaire » décrétée par Israël, qui ne représente plus que 42 kilomètres carrés, soit 11 % de la superficie totale de la bande de Gaza, ce qui n’y empêche pas les frappes de l’armée israélienne comme cette nuit du 9 septembre 2024. Camps de réfugiés, hôpitaux- selon l’OMS, seuls seize hôpitaux, sur les trente six existants dans la bande de Gaza seraient encore partiellement fonctionnels; dernière destruction en date, l’hôpital Al-Aqsa. « Avant l’ordre d’évacuation et les explosions, l’hôpital était tellement bondé que les patients devaient parfois être soignés à même le sol. Ils étaient partout, faisaient souvent la queue devant l’hôpital, cherchant désespérément des soins, explique le Dr Sohaib Safi qui y officiait.
Les humanitaires visés
Voilà qui oblige désormais MSF à établir des hôpitaux de campagne pour une médecine de guerre où les amputations s’enchainent et le tri effrayant entre qui tenter de sauver ou non. Gaza étant sous siège total, les habitants, y compris le personnel MSF, n’ont nulle part où aller pour échapper aux bombardements-six d’entre eux ont déjà perdu la vie. Alors pour les équipes internationales qui ont la chance de pouvoir sortir de Gaza, la durée des missions n’excède pas cinq semaines dans cet enfer quotidien décrit par un de ces membres: « Le char est arrivé et a ouvert le feu sur les voitures de MSF. Elles ont pris feu. J’étais à la clinique, le feu et la fumée ont envahi le bâtiment. Nous sommes restés là, cherchant une façon d’arrêter l’incendie. Nous avons transféré les enfants et les femmes par les portes arrière vers l’autre bâtiment, où MSF gère le service de réhabilitation. »
Des soins vitaux mais également des actions pour aider la population à survivre avec la distribution de plus de 600 000 litres d’eau potable par jour, obtenue grâce au processus de désalinisation dans plus de quarante points d’eau dont Rafah, à la frontière avec l’Egypte. Car, depuis 1980 avec la famine au Cambodge, MSF a appris à intervenir à tous les niveaux comme au Rwanda en 1994; en juillet, plus d’un million de réfugiés hutus avaient échoué dans les camps de Goma au Zaïre voisin. Là, ce n’était pas les machettes qui tuaient mais le choléra. Les corps s’empilaient les uns sur les autres tandis que les ONG du monde entier envoyaient des docteurs dans de puissants 4X4 avec l’argent de leurs donateurs. De son côté, MSF construisait des latrines. Moins glamour mais bien plus efficace. Question d’expérience et de pragmatisme pour cette ONG cinquantenaire à laquelle vous pouvez envoyer vos dons, les yeux fermés après les avoir ouvert sur les drames humains à travers le monde, du Soudan à Boulogne-sur-mer où douze réfugiés ont encore péri dans la Manche le 3 septembre dernier.
Par Laetitia Monsacré