Chacun a sans doute eu un jour, à côté de lui lors d’un récital de piano, une voix qui s’écriait comme en connaisseur : « quelle main gauche ! ». Avec l’anthologie que Maxime Zucchini vient de faire paraître chez Ad Vitam, cela reviendra à saluer le jeu de l’artiste qui s’est engagé depuis presque une décennie dans une exploration du répertoire pianistique pour main gauche. Si le Concerto que Ravel a composé pour Paul Wittgenstein, lequel avait perdu le bras droit dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale, est indéniablement l’oeuvre la plus connue parmi celles que le soliste – et riche mécène – viennois avait commandées aux compositeurs de son temps, Maxime Zecchini fait redécouvrir les onze variations des Diversions de Britten, créées au cœur de la Seconde Guerre Mondiale à Philadelphie, ou encore le Concerto n°4 opus 53 de Prokofiev, que Wittgenstein refusa de jouer.
Mais au-delà de cette hommage à une figure majeure du piano du vingtième siècle, que l’on retrouve avec l’adaptation de La Mort d’Isolde de Liszt, dans un hypnotisme des sortilèges wagnériens qui transcende les modes et les époques, Maxime Zecchini, qui est également compositeur, offre un aperçu très large de transcriptions pour la main gauche – l’une des colonnes vertébrales de ce répertoire singulier.
Un répertoire à découvrir
Il y a bien sûr la Chaconne de Bach revue par Brahms, ou encore les paraphrases de Liszt de Meyerbeer ou Bellini reprise par Fumagalli, virtuose italien du dix-neuvième siècle. Mais Maxime Zecchini n’hésite à continuer cette histoire en proposant ses propres relectures du Concerto pour piano n°4 de Saint-Saëns ou sa réduction du Concerto pour la main gauche de Ravel pour la main gauche seule – une gageure quand on sait le chatoiement de l’écriture orchestrale du compositeur français – et même quelques pages de son cru.
L’ouverture et la curiosité du soliste ne s’arrête pas à la Seconde Guerre Mondiale. Un volume est consacré à la création contemporaine, sans aucun préjugé esthétique, avec des pages de Mantovani, Dugugnon, Ohana, Louvier ou Menut. Dans ce foisonnement de 78 œuvres et 48 compositeurs, la musique de chambre et le septième art, avec entre autres les incontournables Gabriel Yared, Michel Legrand et John Williams, ne sont pas oubliés. Une véritable somme qui invite à un voyage au pays surprenant de la main gauche dont on pourra également découvrir un condensé au Bal Blomet mardi 24 janvier prochain. Entre raretés et redécouvertes de grands classiques, Maxime Zecchini est l’apôtre idéal de ces trésors cachés.
Par Gilles Charlassier
Anthologie pour la main gauche, coffret Ad vitam, concert le 24 janvier au Bal Blomet