Houellebecq s’embourgeoise-t-il ? La scène des Ateliers Berthier-Théâtre de l’Odéon, reprend jusqu’au 14 novembre Les particules élémentaires, spectacle fleuve de quatre heures comme le Festival d’Avignon les aime (édition 2013), créé par le jeune Julien Gosselin à partir du roman du même nom. Michel Houellebecq ne sent manifestement plus le souffre. L’auteur a entamé depuis quelque temps une peopolisation qui l’a amené à tourner avec Guillaume Nicloux, puis Gustave Kervern, et enfin à pousser la chansonnette avec Jean-Louis Aubert. Ce déploiement de talents a manifestement transformé l’image de Houellebecq, devenu un gentil écrivain inoffensif, loin de l’auteur réac honni de la gauche. Il était ainsi intéressant de voir le regard que portait sur lui un metteur en scène de moins de 30 ans.
Le spectacle pourrait être décevant. La peinture d’un monde post soixante-huitard crépusculaire et la fascination pour le clonage fleurent bon les années 1990. Pourtant les quatre heures de spectacle se déroulent sans longueur, malgré l’inconfort des sièges de la salle. D’abord, la langue de Houellebecq reste acerbe, et l’ironie déversée sur les années 1960 et 1970 est toujours aussi incisive. Mais c’est surtout le travail du metteur en scène qui permet d’apprécier le texte. Habilement découpé, l’intérêt du public pour l’histoire des naufrages sexuels de Bruno Clément (Alexandre Lecroc) et des recherches scientifiques de Michel Djerzinski (Antoine Ferron), les deux protagonistes de l’histoire, ne faiblit pas une seconde. La sonorité « pop » de la pièce, à grand renfort de transition musicale et de lumière crue, permet d’ailleurs d’assurer des transitions fluides dans le récit, sans devenir envahissante.
Un style documentaire
Mais la grande originalité de cette pièce est surtout d’avoir su conserver le ton du documentaire, si caractéristique de l’écrivain. En introduction et en conclusion, deux comédiens commentent ainsi en vidéo la vie de Michel Djerzinski, à l’instar d’une discussion télévisée qui suivrait la diffusion d’un documentaire. Les comédiens, en se succédant au micro sur la scène pour raconter leur parcours, donne également l’impression de faire l’autopsie d’une période révolue, revenant avec regret et amertume sur leurs souvenirs. Julien Gosselin ne s’écartera de ce procédé qu’une seule fois, pour créer une scène de cours de yoga potache mais brouillonne.
Les adeptes de la première heure de Michel Houellebecq seront peut être déçus par cette nouvelle version pop de l’auteur, le ton pamphlétaire de l’écrivain se perdant au milieu de la peinture sociale. Pourtant Julien Gosselin réussit l’exploit de captiver un public pendant quatre heures, manifestement venu au départ pour s’encanailler aux côtés d’un écrivain autrefois subversif.
Par Florent Detroy
Les particules élémentaires aux Ateliers Berthier jusqu’au 14 novembre