6 mai 2013
Les Journées européennes de l’opéra : tous en scène

L’opéra accessible à tous ? C’est le pari des journées européennes de l’opéra, « Tous à l’opéra », initiée en 2007 conjointement, à l’occasion de leur premier forum biannuel organisé à Paris, par Reseo, programme éducatif européen en faveur des arts de la scène, et Opera Europa, fédération de théâtres lyriques  qui a pour but de faire entendre la voix et les intérêts d’une expression artistique trop souvent jugée élitiste. Ce n’est pas un hasard si la ROF (Réunion des Opéras de France), qui réunit 26 des plus significatives institutions de l’hexagone, a joué un rôle non négligeable dans la coordination de cet évènement qui se tient désormais autour du 9 mai, la journée de l’Europe, manière de faire encore mieux entendre ce que l’opéra a d’éminemment européen. Quoi de mieux en effet que la culture pour redonner goût à l’Europe ? C’était d’ailleurs au cours du forum d’Opera europa qui s’est tenu à Vienne du 4 au 7 avril dernier que Sophie Koch, la marraine française des journées « Tous à l’Opéra »  – à laquelle aurait dû se joindre Jonas Kaufmann, souffrant après le Parsifal de la veille à la Staatsoper (l’évènement s’est doté pour la première fois d’un porte-parole européen, suivant l’exemple déjà éprouvé avec succès depuis plusieurs années par la ROF)  – a présenté le programme de ce qui désormais dépasse le cadre d’une simple opération de communication. C’est ce que nous sommes allés vérifier à Lyon et Limoges.

Lyon capitale

Le moins que l’on puisse dire est que la capitale des Gaules s’affirme en ce long week-end de l’Ascension comme l’épicentre culturel de la France. Jugez plutôt : les « Nuits sonores », festival de musique indie et électro se déroulent du 7 au 11 mai, tandis que l’Opéra joue, à partir de ce même mardi 7, Capriccio, le dernier opéra de Strauss, dans une très élégante production de David Marton – avec un délicieux clin d’œil à l’adresse des amateurs dans cette mise en abîme de l’art lyrique : la musique ou les paroles ? A n’en pas douter, Serge Dorny a su habilement faire converger les regards sur sa maison, l’une des rares en France à ne pas faire le pont, et a d’ailleurs fait de vendredi 10 mai la date d’ouverture pour la souscription  des abonnements de la prochaine saison, qui s’annonce d’ores et déjà passionnante – nous en reparlons dans un prochain billet.

La scène accessible à tous

Bien sûr, les enfants vont être gâtés par des ateliers spécialement concoctés pour eux : les plus jeunes pourront s’initier aux sonorités de l’orchestre, apprendre le solfège par le chant, le mouvement et le jeu, selon la méthode Kodaly, et se mêler aux élèves de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, ou pour plus les grands, se déhancher sur les rythmes de hip hop avec Willy, danseur de la compagnies de Pockemon Crew. Mais tous sont bienvenus, adultes et enfants, tant pour des ateliers dessin inspirés par la danse et la musique ou des visites originales des entrailles du bâtiment rénové par Jean Nouvel, que pour quelques pas de danse classique avec Marianne Joly et Harris Gkekas, danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon. On pourra aussi réaliser un rêve en se mêlant aux chœurs de l’Opéra pour répéter puis jouer sur la grande scène deux des plus grands succès du répertoire – le chœur des pèlerins du Tannhaüser de Wagner et le « Libiamo » qui ouvre La Traviata de Verdi. Le public ne sera pas pour autant en reste, et aura le loisir de se mêler aux professionnels au cours d’autres répétitions. A moins que vous ne préfériez vous glisser dans la peau de l’un de vos personnages préférés au cours d’un karaoké lyrique. Et la fête ne s’arrête pas aux murs de l’Opéra :  Brass band, sessions de maquillage sur la place de la Comédie, et s’achèvera par un bal  « Interterrestre » d’Antiquarks qui s’ouvrira sur une adaptation du duo Pagageno-Papagena de La Flûte enchantée – programmée à la fin de la saison avec les chanteurs du Studio de l’Opéra. Un sanctuaire, l’opéra, dites-vous ?

L’opéra, pour tous les âges

Mais tout l’intérêt de ces journées, c’est aussi de montrer la vitalité d’opéras beaucoup moins courus du grand public – et en particulier des parisiens. Ainsi l’Opéra de Limoges est-il la seconde maison – avec Lyon – à proposer un karaoké lyrique, emmené, s’il vous plaît, par Les Cris de Paris, ensemble vocal emmené par Geoffroy Jourdain, et que l’on entend en France et en Navarre autant dans le grand répertoire que les redécouvertes ou les créations. Il n’y avait d’ailleurs rien de mieux à faire en ce samedi après-midi frais et pluvieux de mai que de prendre une chaise dans le foyer, sur l’estrade duquel trônait un piano – un peu comme dans un café-concert. Excellent moyen de démontrer des liens intergénérationnels bien plus solides qu’il  n’y paraît, ce que confirme le lendemain le public de Fra Diavolo, opéra-bouffe d’Auber qui narre les aventures d’un bandit de grand chemin au cœur d’une Italie investie par de riches touristes bons à être détroussés. Car l’opéra, c’est aussi le plaisir et le jeu, suivant par ailleurs le slogan de ces journées européennes. Et comme tous sont conviés à la fête, Arte n’a pas oublié ses téléspectateurs en leur proposant une journée sous le signe de Jonas Kaufmann. Pas de doute, cette semaine, l’opéra est partout.

Par Gilles Charlassier

Articles similaires