Il est 21H50. Les trompettes retentissent au Palais des Papes, le vent souffle. Pendant deux heures, les cercueils vont se remplir; un vrombissement s’élève dans la Cour, des sifflets stridents fendent la nuit qui tombe, bienvenue en enfer avec bientôt la voix d’Hitler, les chants nazis allemands qui assourdissent. Tout avait pourtant bien commencé avec ce solo de clarinette et le poème récités par deux jolies petites filles modèles pour fêter l’anniversaire de Joachim, le baron Von Essenbeck, patriarche de la famille, à la tête des acieries du même nom. La lutte pour le pouvoir conduira Sophie sa belle fille aux pires actes tandis que son petit fils, Martin sombrera dans le mal absolu.
Ivo Van Hove livre son adaptation des Damnés de Visconti avec la troupe de la Comédie Française qui excelle une fois encore dans son jeu précis et inspiré. Une caméra les suit en live, y compris dans les cercueils pour leur dernière agonie, qu’elle soit silencieuse comme celle d’Herbert Thallman-magnifique Loïc Corbery dont la femme, jouée tout en finesse par Adeline d’Hermy, et les filles finiront à Dachau ou celle dans une mare de sang de Konstantin, Denis Podalydès, membre des SA qui se fera assassiner. A la fin, il ne restera plus que des cendres qui s’envoleront vers le public dans une mise en scène des plus convaincante. Minuit arrive; personne n’aura été épargné par ce pan d’histoire des plus sombres, ni l’aristocratie allemande ni les spectateurs dans cette création comme Avignon et le public du in les aime. Tard dans la nuit, le vent est retombé, les compagnie du off sillonnent les rues pour installer leurs affiches, le Festival 2016 est ouvert…
par Laetitia Monsacré
Les Damnés, d’après Luchino Visconti jusqu’au 16 juillet 2016
L’escabeau, outil indispensable pour trouver encore une place en ville…