Rendez-vous désormais consacré de la fin de saison de l’Orchestre national de Lille, le Lille Piano Festival célèbre ses vingt ans en 2024. Pour cette édition anniversaire, c’est Mozart, le compositeur synonyme de musique classique pour le néophyte, qui est à l’honneur avec, à côté d’une intrégrale des sonates de l’enfant prodige de Salzbourg par Herbert Schuch, pas moins de 15 de ses 27 concertos, en cinq concerts : deux orchestres, quatre chefs et sept solistes, proposant ainsi un large kaléidoscope de l’interprétation mozartienne
Le premier des deux concerts du dimanche est confié à l’Orchestre royal de chambre de Wallonie, que dirige du violon Jean-Frédéric Molard. Cédric Tiberghien fait ressortir avec allant et souplesse la variété d’inspiration du Quatorzième, entre un Allegro vivace foisonnant, le lyrisme tendre et mélancolique de l’Andantino et la science contrapuntique du finale distillée avec une irrésistible vitalité. Après la sobriété dont fait preuvre Abdel Rahman El Bacha dans le Onzième, l’entrain mélodique du Neuvième sous les doigts de François-Frédéric Guy fait sortir de la torpeur méridienne. Le pianiste français éclaire l’alchimie entre énergie juvénile et maturité de l’écriture qui fait le succès de cette page annonçant la manière des opus ultérieurs, à l’exemple du sentiment à la fois intense et pudique de l’Andantino, après un Allegro augural qui fait entrer le soliste dès les premières mesures, en un geste que reprendra Beethoven, encore plus radicalement, dans son Quatrième Concerto.
Une clôture en manière de concentré de festival
En écho à l’ouverture dirigée par Alexandre Bloch, qui achève son mandat de directeur musical, l’Orchestre national de Lille est à l’affiche de la clôture, sous la baguette de son successeur, Joshua Weilerstein. Ce relai symbolique se fait avec le Treizième Concerto dont Pierre-Laurent Aimard révèle, avec son intelligence pédagogique coutumière, toutes les originalités et les surprises, en particulier dans un finale versatile aux modulations inattendues qui évoquent certains mouvements lents de concertos plus tardifs. Une telle retenue, au service de la lisibilité dans la contruction à même de faire ressortir la singularité de la partition, se retrouve dans le toucher poétique, et reconnaissable, d’Adam Laloum dans le Vingt-quatrième. Les accents dramatiques de l’Allegro augural s’affirment avec une intériorité saisissante dans la réponse soliste où la touche de réserve ne se confond jamais avec l’effacement. Le Larghetto confirme cet équilibre accompagné par une osmose perceptible avec l’orchestre que ne démentira pas le finale. L’approche de Jonathan Fournel de l’autre grand chef-d’oeuvre en mineur des Concertos pour piano de Mozart, le Vingtième est plus théâtrale. L’urgence dramatique du célèbre Allegro initial ressort dans une confrontation parfois déclamatoire, qu’adoucira parfois la Romance, avant un retour à une extraversion concertante dans l’Allegro vivace assai néanmoins préservé de toute grandiloquence inutile. Une clôture aux allures de concentré des différents visages du piano français d’aujourd’hui : tout l’esprit d’un festival est là.
Par Gilles Charlassier
Lille Piano Festival, du 14 au 16 juin 2024