Des expériences. Les plus âgés en ont vécues, les plus jeunes en demandent. Il y a celles que tous vont connaître et celles qui ne sont réservées qu’à un petit nombre d’entre eux. Le prix Goncourt des lycéens par exemple. Combien peuvent se vanter d’avoir participé à la remise d’un prix qui a su, au fil des années, acquérir le prestige d’un véritable prix littéraire ? En 24 ans, le prix Goncourt des lycéens s’est fait un nom et est aujourd’hui pris très au sérieux par les gens « du milieu ». Quel écrivain n’aimerait pas se voir remettre un prix de la main d’une génération séparée de la littérature par une montagne de nouvelles technologies ? Et l’expérience plaît aux jeunes critiques en herbe. Elle leur permet de se faire entendre, de gagner en esprit critique mais aussi, à long terme, de leur transmettre l’amour de la lecture et de la littérature. Cette année comme depuis vingt-quatre ans, pendant deux mois, ils ont lu, analysé, débattu pour pouvoir choisir le livre qu’ils auront préféré. Et si le résultat du « vrai » prix Goncourt est révélé quelques jours plus tôt, aucun risque d’influence : sur les vingt-trois dernières éditions du prix Goncourt des lycéens, seulement quatre fois, le gagnant a été le même que pour le prix Goncourt. Les lycéens se font donc leurs propres idées. Pour Ariane Bach -professeur d’une des classes participantes et ancienne élève ayant fait partie du jury- cette lecture intensive, ce « saut dans l’inconnu » va permettre à ce jury original de se façonner un goût littéraire propre à chacun ce qui va leur permettre d’effectuer un « jugement personnel et de sentir au fil des semaines l’intuition d’une responsabilité », de se sentir concernés.
Ne le lisez pas
Paroles d’élèves : « lorsque Madame Benoit nous a annoncé que notre classe allait participer au prix Goncourt des Lycéens, je me suis dit bon, pourquoi pas ? » ». Simon est en seconde au lycée Montaigne à Paris et comme lui, ce sont les élèves d’une cinquantaine de classes, sélectionnées pour choisir le prix Goncourt des lycéens, qui ont dû se dire la même chose. Mais ce que Simon n’avait pas compris à ce moment là précis, c’est qu’il ne suffirait pas de lire un livre ou deux, mais bien quinze livres en deux mois pour pouvoir choisir leur lauréat. La chose n’est pas aisée, mais les jeunes critiques ont prendre leurs responsabilités pour construire leur propre opinion et en débattre entre eux. A cette lecture, s’ajoutent des rencontres avec les écrivains pour que ceux-ci puissent leur expliquer ce qu’ils n’auraient pas compris. Rencontres utiles et recommandées, donc. Cette expérience cependant n’a pas que pour but de créer de futurs critiques mais aussi, tout simplement, de transmettre à ces jeunes lecteurs l’amour de la lecture et, pourquoi pas, de l’écriture. Et ça fonctionne, si l’on en croit Simon « même si le prix Goncourt des Lycéens représente énormément de temps et d’énergie, il a réellement éveillé ma passion pour la lecture ». Mais pour l’instant, le plus important pour ce jury original est d’apprendre à aimer un nouveau style de littérature. Ainsi cette lecture intensive est elle quelque chose de nouveau pour eux, comme pour elle, puisque habitués à des lectures jusque là plus « classiques », moins contemporaines. Les habitudes ont donc été changées. « Si le livre ne vous plaît vraiment pas, vous pouvez passer à un autre, ne perdez pas de temps », ce n’est pas le type de discours qu’on attend d’un professeur de lettres en temps normal mais qui dit nouveauté, dit adaptation. Et ça, les lycéens savent le faire. Ils prennent leur rôle très à cœur, soulignant leurs préférences et leurs déceptions. Les élèves de la seconde sélectionnée à Montaigne se sont pris au jeu, critiques souvent féroces. « Le livre est trop long, inintéressant, la fin est particulièrement décevante, bref, je trouve que ce livre n’a aucun intérêt. Ne le lisez pas ! », « quel intérêt de lire ce livre? Si je rencontre l’auteur, je n’aurais qu’une seule question à lui poser : pourquoi l’avez-vous écrit ?». L’occasion pour la jeunesse de se faire entendre; depuis sa création, le prix Goncourt des lycéens a ainsi su acquérir une véritable notoriété dans « le milieu ». Quel écrivain n’aimerait-il pas en effet se voir remettre un prix de la main d’une génération séparée de la littérature par une montagne de nouvelles technologies ? Si Alexis Jenni est le grand gagnant élu par l’Académie Goncourt, le saura-t-il aussi aux yeux des lycéens ? Ou le titre reviendra-t-il à Carole Martinez -Du domaine des murmures chez Gallimard, à Sorj Chalando -Retour à Killybegs chez Grasset très apprécié par les lycéens de Montaigne ou à Lyonel Trouillot pour La Belle Amour humaine chez Actes Sud ? Réponse le 7 novembre.
par Lisa Escobar
Pour lire les impressions de lecture des élèves de Montaigne membres du jury-très intéressant- cliquez ici
Et c’est donc le beau livre de Carole Martinez « Du domaine des murmures qui a eu ce prix voir article rubrique Apostrophe