Il est peu probable que le dernier film d’Andrej Wajda, L’homme du peuple soit un carton. La vie de Lech Walesa-un biopic comme on dit joliment-qui cela risque-t’il d’intéresser pendant deux heures? Quelques intellectuels et une poignée de syndicalistes qui se souviendront grâce à cet homme ce que « les travailleurs »pouvaient faire quand ils se regroupaient. La solidarité, « solidarnosc », combien de fois prononce-t’on encore ce mot et le vit-on, quelque soit la langue et le pays, de nos jours? C’est pourtant le colosse soviétique, la dictature, la vraie, installée fermement depuis Staline qui vacilla par cet homme, un simple ouvrier électricien qui n’eut pas peur. Pas peur que la police vienne le chercher à n’importe quelle heure de la nuit, chez lui, devant sa femme et ses jeunes enfants; pas peur de perdre, car il avait osé revendiquer des droits, son travail, seule source de revenu du ménage. Et de devenir ainsi l’homme de la révolte, partie des chantiers navals de Gdansk et qui se diffusera dans toute la Pologne avec une grève générale-le Général Jaruleski, au pouvoir, allant jusqu’à décréter l’état de guerre. Mais comme avec Mandela, l’histoire est en marche.
Homme du peuple et de l’espoir
La prison, Lech Waleja y restera un an avant de devenir le premier président d’une Pologne libre, après la chute du mur de Berlin. Robert Wieckiewicz incarne avec justesse ce « man of hope », cet homme « de l’espoir » comme le souligne le titre en anglais de ce film qui n’arrive qu’aujourd’hui en France alors qu’il fut présenté l’année dernière à la Mostra de Venise. On y découvre le rôle essentiel de Danta, son épouse à la fois libre et soutien sans faille de ce mari qui préfère faire la révolution que l’aider à élever leur six enfants. Fil conducteur du film, l’interview que Lech Walesa donna à Oriana Falacci, journaliste italienne venue le rencontrer dans son modeste appartement en 1981, permet de découvrir l’homme dans toute sa complexité et son humanité-son humour aussi « la prison est un bon endroit pour penser », mais surtout son génie politique. Il permet aussi de comprendre comment on peut changer le destin, le sien mais aussi celui de millions de gens. «On avertissait le monde et le monde n’entendait pas. C’est la même chose aujourd’hui. Prenez cela au sérieux.» a conclu Lech Waleja, invité en France par le Barreau de Paris en juin dernier. A 70 ans, le voilà toujours visionnaire…
LM