L’affaire a fait grand bruit en Tunisie depuis la fin septembre, et continue à faire couler beaucoup d’encre. Une jeune femme, qu nous appellerons Mariam, violée par les policiers qui l’ont arrêtés et qui se retrouve sur le banc des accusés pour « atteinte aux bonnes mœurs ». le pays a hurlé d’une même voix, cri qui a été enfin entendu par la 13ème Chambre de Première Instance de Tunis ce 29 novembre en prononçant un non-lieu en faveur Mariam et son compagnon, et en inculpant deux policiers pour viol et le troisième pour corruption.
Un scénario de film d’horreur
Nous sommes dans la nuit du 3 au 4 septembre, à Tunis. La jeune femme et son petit ami sont en voiture lorsque trois policiers les abordent, prétextant un contrôle d’identité. Deux des trois agents de police demandent à la jeune femme de sortir et l’emmènent dans leur véhicule, en lui demandant ce qu’elle a « à leur offrir ». La jeune femme leur proposera tout ce qu’elle a, 40 dinars, mais ce n’est pas ce que les agents de la force publique attendent d’elle. Elle sera violée tour à tour par les deux policiers qui se relayent au volant du véhicule et sur le siège arrière où ils forcent Mariam et l’exhortent de pleurer en silence sous peine de la tuer.
Son compagnon, lui, est entraîné par le troisième policier à l’écart de sa voiture et sous la menace d’une arme se verra contraint d’aller retirer de l’argent au distributeur automatique.
Quand enfin la voiture de police, dans laquelle Mariam est toujours retenue prisonnière, se gare de nouveau derrière la voiture des amoureux, le troisième policier tentera à son tour de violer la jeune femme. Son fiancé se battra avec l’un des policiers et réussira à lui prendre sa bombe lacrymogène avant de courir appeler à l’aide, puis réussira à négocier que l’on relâche Mariam en échange du dispositif.
Enfin libres, ils se rendront à l’hôpital pour faire constater les violences, où on les dissuadera de déposer plainte. Heureusement, le jeune homme ira quand même le lendemain engager des poursuites contre leurs agresseurs.
« Dans mon pays, la police me viole et la justice m’accuse »
C’est un des slogans que l’on a pu entendre et lire lors du soulèvement populaire entraîné par cette affaire. Depuis 1956, le Code du Statut Personnel protège les femmes. Mais c’était sans compter l’arrivée au pouvoir des islamistes qui semblent tenir aux « bonnes mœurs » comme à la prunelle de leurs yeux, et le mettent à toutes les sauces. Mariam et son compagnon en font les frais. Elle qui a été violée se retrouvera bien vite sur le banc des accusés, soupçonnée, selon les dires d’un des policiers, de les avoir « aguiché » par une « position indécente ».
Le tribunal, ce 29 novembre, en rendant une décision de non-lieu, en abandonnant toutes les charges contre les deux victimes, apportait un soulagement et un espoir en une justice censée protéger les citoyens. Une justice que l’on espère enfin voir indépendante, et qui ne se basera pas sur la Charia. Mais c’était sans compter sur le ministère public qui ne compte pas laisser passer un tel précédent. Ce lundi 3 décembre, il a fait appel du verdict, un viol supplémentaire pour cette jeune femme qui ne peut toujours pas essayer de se reconstruire. Dans ce procès à l’envers, ce sont toutes les tunisiennes et toutes les femmes en général qui sont une fois de plus violentées, bafouées et humiliées.