Sur un festival, le journaliste est comme un chien de chasse, à l’affut du bon film comme le canidé l’est d’une piste. Sitôt le programme en main (avec la brillante idée cette année d’indiquer la page correspondante sur le calendrier ce qui fait gagner un temps certain entre la compétition, les hommages, les premières, les nuits américaines, le prix révélation Cartier, le prix Michel d’Ornano-stop!!!!), le premier week-end en l’absence du bouche à oreille qui existe au second, consiste à essayer d’aller tout voir, sous peine de passer à côté de « the film », celui que l’on découvre tel un éclaireur et qui vous remplit de joie. Coté films en compétition, le miracle n’aura pas eu lieu; aucun film ne se détache avec For Ellen, récit d’une lenteur déprimante d’un père qui ne veut pas abandonner à la seule garde de son ex femme, sa fille de 6 ans, Electrikal Children, au super pitch-imaginez une jeune fille coupée du monde par ses parents qui se découvre enceinte après avoir écouté une cassette de rock-mais qui tourne vite en rond, Robot and Frank, sans aucun intérêt ou Your sister’s sister d’une vacuité abyssale. Quant à Killer Joe de William Friedkin, auteur de l’Exorciste, le film est glauquissime-imaginez un fils qui veut liquider sa mère pour l’assurance vie avec la bénédiction du père devenu son ex mari et engage un tueur qui ne pouvant être payé d’avance, demande la soeur/fille encore vierge comme caution…L’Amérique dans toute son horreur mais avec des partis pris qui vous mettent franchement mal à l’aise. Pour toutes ses histoires, un point commun, le trait d’union. Le tiret entre votre date de naissance et celle de votre mort. Là réside toute votre vie, du moins ce que vous en aurez faite conclut le documentaire de Werner Herzog Into The Abyss confirmant qu’il est un grand réalisateur. Comme lorsqu’il montre ce champ de croix; pas des victimes de guerre comme dans les cimetières militaires mais les tombes de tous ces condamnés à mort en Floride. Le chef de la salle d’exécution interrogé en a 120 à son crédit. Jusqu’à celle de trop, une femme qui lui a fait revoir tous ces visages, ces regards de condamnés qu’il sanglait vivants puis désanglait , morts. « Nul ne peut tuer quelqu’un, même pour respecter la loi ».
La peine de mort dans sa réalité
La loi qui, dans cet état républicain qui nous doit la famille Bush, permet de tuer qui a tué. Car ce fantastique documentaire est avant tout l’histoire-sans aucun commentaire, le réalisateur de Aguirre, la colère de Dieu est bien trop fin pour cela-ses questions qu’il a gardé au montage parlent d’ailleurs pour lui-de deux jeunes qui, à dix huit ans tuent une femme en train de faire ses cookies pour lui voler sa voitures puis tuent à nouveau, son fils et un copain dont ils été « amis » pour récupérer le pass permettant de sortir la voiture de la résidence surveillée. Les victimes collatérales, Herzog les a toute interrogées; de la soeur qui a coupé sa ligne de téléphone pour ne plus jamais l’entendre sonner pour qu’on lui annonce la mort de quelqu’un et qui sent son coeur se desserrer quand elle assiste à l’exécution du jeune tueuer, en passant par le frère de l’autre victime, que les flics viennent chercher à l’enterrement pour le reconduire en prison. Car à travers ce fait divers, c’est toute une Amérique que l’on découvre, la même que celle de William Friedkin avec, une différence de poids-c’est qu’ici tout est vrai. La drogue, l’alcool, les vols pour s’en procurer et voilà le père qui va en prison, laissant une mère handicapée et ses quatre enfants dans des logements sociaux. Jack est né avec une malformation, 18 opérations bébé, le père en prison, c’est là qu’il ira le chercher en y allant lui même comme dans cette scène incroyable que le père décrit; lui et son fils enchaînnés aux même menottes dans le car qui les conduit à la prison, y retrouvant un autre frère, lui aussi incarcéré pour fêter Thanks giving…Ce père qui sauvera la peau de son fils, Jason, en racontant à la barre son absence, ce fils laissé à lui même; ce sera donc la perpétuité au lieu de la mort comme son complice. De celui ci lui, Michael, on ne saura pas grand chose sauf qu’il est là sur l’écran souriant dans l’isoloir, avec un regard d’une vivacité effrayante. Qui a commis le crime, chacun renvoit la faute sur l’autre. Le problème des armes que l’on achète plus facilement qu’une console de jeu n’est pas non plus abordé. Là n’est pas la question. On parle ici de vies brisées, volées, de commisération dans un pays qui ressemble encore au Far Ouest, surtout lorsque les flics se mettent à tirer. Personne n’essaye de comprendre, on enferme ou on ôte la vie c’est tout. On peut choisir aussi de la donner comme cette femme qui décide d’épouser Jason en prison car elle a vu un arc en ciel en sortant de la visite; et s’arrange pour être enceinte -sans contact physique -de cet homme qui ne sortira qu’en 2041, soit à 69 ans…Voilà l’épilogue de ce film incroyable avec juste une réserve dans la première demie-heure pour les zooms sur les scènes des crimes, un peu voyeuristes et qui n’apportent rien face à la force des témoignages de ces êtres dont le tiret est à jamais brisé par ces crimes. Sortie en salle le 10 octobre.
LM