« Je préfère mourir que de vivre dans la honte ». Après la mort d’Œdipe à Thèbes, il fut décidé que chacun de ses deux fils, Etéocle et Polynice, régneraient tour à tour. Mais Etéocle refusant de céder sa place à son frère jumeau, ils se livrèrent alors une bataille sans merci qui se termina par la mort des deux hommes. « Voilà bien le signe de la tyrannie : elle peut dire et faire tout ce qui lui plait ». Leur oncle Créon prenant la tête du pouvoir, il décida de donner tous les honneurs funéraires à Etéocle tandis que la dépouille de Polynice serait laissée aux chiens. Antigone se refusant à cette perspective décide d’aller à l’encontre de la volonté du roi en recouvrant de terre le corps de son frère. Bravant l’interdit et les lois de la Cité, elle sera condamnée à être emmurée vivante, ce à quoi se refuse Hémon, son fiancé et fils de Créon.
Grand chef d’œuvre de la Tragédie Grecque, Antigone de Sophocle, questionne le poids du destin et des processus inexorables, les conflits entre morts et vivants, le tout sur fond de querelles politiques et religieuses. Bien qu’ancien, le texte résonne violemment avec la réalité d’aujourd’hui, surtout quand la pièce est interprétée par les comédiens du Théâtre National Palestinien…
Sophocle ou l’incandescente parole
Plus de deux millénaires après sa création, l’éternité de cette tragédie est presque tangible tant le texte fait sens. « De grands malheurs peuvent être le résultat de petits profits ». Pièce entièrement jouée en arabe, surtitrée en français, par des comédiens palestiniens, l’effet n’en est que plus puissant. Adel Hakim signe une mise en scène autant artistique que politique, et la scénographie d’Yves Collet se veut au service du texte. Les costumes contemporains placent la pièce dans une indéniable modernité dérangeante. Loin des interprétations convenues, les interprètes dynamiques et déterminés se livrent à des face à face redoutables, tel celui opposant Antigone enchainée à Créon. La parole de Sophocle opère à travers, notamment, le corps et la voix de Shaden Salim qui habite magistralement une Antigone prête à mourir au nom de ses convictions. « Le plus détestable c’est le criminel qui se vante d’être un héros ». Les dialogues sont ponctués par les musiques du Trio Joubran et la voix du poète palestinien Mahmoud Darwich, décédé en 2008, sur lesquelles les artistes se livrent à des gestuelles précises et poignantes. Si Antigone questionne la loi des hommes et celle des dieux, la pièce est également, et peut-être même avant tout, un message d’espoir et de paix à ne pas manquer.
Par Laura Baudier
Antigone, jusqu’au 5 décembre-Théâtre d’Ivry Antoine Vitez– Représentations mardi, mercredi, vendredi, dimanche 20h/jeudi 19h/dimanche 16h