« Il ne lui restait pas assez de mains pour les choeurs… »Alexander Briger, le chef d’orchestre ne démérita pas en ce soir de première de « Nixon in China » du compositeur John Adams. Vingt-cinq ans après sa création à Houston, cet opéra, prévu avec des microphones pour les chanteurs s’invite sur la scène du Châtelet, en pleine période électorale – un hasard ? Devant tout le gratin de la presse musicale, Lynn Cohen Solal ou encore le président du Châtelet, Jérôme Clément, c’est une belle distribution qui enchaîna sans faute sur ces rythmes lancinants ô combien techniques et périlleux. L’histoire? la visite du président Nixon et sa femme Pat à Mao Tsé-toung en 1972, en vue d’un rapprochement diplomatique entre les deux grandes puissances. Reste que dans cette sorte de chronique presque journalistique, on peine à retrouver nos repères en matière de dramaturgie lyrique : n’attendez pas d’histoire d’amour, il n’y en pas. Le spectacle n’en demeure pas moins agréable à suivre, grâce entre autres à la musique de John Adams, éminent représentant du minimalisme répétitif américain aux côtés de Philip Glass et Steve Reich. Sous son apparente facilité, aisément berçante, elle est cependant d’une redoutable difficulté pour les interprètes, du fait de ses changements incessants de rythmes – polyrythmie qui est la marque de fabrique du compositeur américain – comme nous l’a confirmé un instrumentiste à la sortie, obligé de suivre note par note dans une attention ininterrompue.
Voix d’exception
Ajoutons que ce grand retour en France de l’oeuvre d’Adams bénéficie d’une distribution de haut vol. Jugez plutôt : Sumi Jo, aux aigus encore stratosphériques, sous les habits de madame Mao et June Anderson, blonde et américaine comme Pat Nixon – et toujours la même élégance dans la voix. C’est d’ailleurs en raison d’un plateau vocal aussi luxueux que le Châtelet a renoncé à amplifier les chanteurs, en contrepartie de quoi, la fosse a été abaissée et le volume de l’orchestre contenu, en dépit de son format chambriste – c’est l’excellent Orchestre de chambre de Paris qui a été invité. Dommage toutefois que la mise en scène de Chen Shi-Zheng ne fasse pas preuve de plus d’inventivité, en dépit de belles couleurs en référence à Warhol et son portrait de Mao, accentuant l’impression de statisme d’une œuvre qui tient plus de l’oratorio que de l’opéra. Et qui soulève la question de savoir s’iil est opportun de mettre la politique en musique …
G & L
Théâtre du Châtelet-jusqu’au 18 avril-20 h