Nul doute que Molière aurait été heureux à la vue de cette dernière version du Misanthrope en « sa maison ». La salle Richelieu accueille en effet jusqu’au 17 juillet (il reste quelques places) un vrai miracle de mise en scène à l’élégance troublante et inspirée, laquelle donne à la pièce toute sa force, si souvent pervertie par des metteurs en scène oubliant que lorsque l’on s’attaque à une telle pièce d’orfèvre, il convient d’ être « essentiel ». Clément Hervieu-Leger, jeune sociétaire, l’a parfaitement compris, aidé par une véritable « dream team »: Loïc Corbery est Alceste, quittant à peine son trench doublée de vert (en référence aux rubans verts du texte, clin d’oeil imaginé par Caroline de Vivaise, costumière au grand talent –La Princesse de Montpensier de Chabrol, c’était elle), qui devient ici une véritable armure pour bien se garder« des coeurs corrompus ». Il joue avec une justesse touchant à la grâce cet homme amoureux n’acceptant aucune compromission, ce qui le voue immanquablement à la solitude. Elle est pourtant ravissante, cette Célimène jouée par Georgia Scallet, avec ce phrasé si particulier, plein de fraîcheur et de finesse; on est ainsi prêt à tout lui pardonner, si désireux jusqu’au bout de croire à ce couple transposé de nos jours et dont la sensualité s’affiche avec une rare évidence dans le dernier acte. Eric Ruf ( qui signe également la magnifique scénographie) en Philinthe et Adeline d’Hermy, Eliante, complètent avec tout autant de bonheur cette distribution que Florence Viala, chiquissime et perfide Arsinoé et l’ensemble des comédiens achèvent de rendre remarquable. Bref, Le Misanthrope comme on l’a rarement vu, à découvrir ou redécouvrir en associant le plaisir des yeux à celui d’entendre les alexandrins de Molière: « Et si pour d’autres yeux, votre coeur peut brûler, on pourra vous offrir de quoi vous consoler »…
LM
Le Misanthrope, de Molière, à la Comédie française jusqu’au 17 juillet