On les avait entendus cet été à la Roque d’Anthéron, et en cette fin octobre une pincée de nostalgie des cigales nous revient salle Gaveau avec un week-end marathon que nous ont réservé les artistes produits par Mirare, le label de René Martin. Différents de ceux de la Provence, les rituels n’en demeurent pas moins immuables avec la file pour rejoindre la salle, les plus patients étant récompensés par les meilleurs places – il n’y a pas de numéro attribué pour ces concerts d’une heure à dix euros tout au long de l’après-midi ; le soir on passe à quinze.
Le samedi après-midi est placé sous le signe de l’intimité. Claire Désert referme son récital avec les Scènes de David de Schumann, quand Adam Laloum, jeune poète délicat du clavier, explore les ressacs tourmentés de la Première Sonate de Schumann, œuvre de jeunesse qui lui sied à merveille, avant les six Moments musicaux opus 94 de Schubert, songeurs, équilibrés et retenus. A vingt-six ans, le soliste français se confirme comme l’une des plus fines sensibilités de la nouvelle génération. C’est ensuite en maître que Jean-Claude Pennetier aborde la Cinquième et la Vingt-troisième et dernière sonate de Schubert, vaste partition après laquelle tout bis serait superflu, tant l’intensité et la noblesse de l’inspiration y est sans pareille. La soirée nous emmène enfin dans l’exubérance lumineuse d’Albeniz avec son cycle Iberia, trop rarement donné en son intégralité. Celui qui est un peu une sorte de Debussy espagnol se glisse dans le toucher puissant et nuancé à la fois de Luis Fernando Perez. Un bien beau voyage.
Piano authentique
Quelques semaines plus tard, c’est salle Cortot, écrin de 500 places – surnommé « l’armoire » à cause de son exiguïté – à l’acoustique exceptionnelle, construit par Auguste Perret à côté de l’Ecole Normale de Musique fondée une décennie plus tôt par le pianiste Alfred Cortot, qu’Elisabeth Sombart fait son retour à Paris avec un choix de Nocturnes de Chopin, véritable journal intime du compositeur franco-polonais. Pieds nus pour mieux moduler la pédale, elle distille un Chopin subtil, à mille lieues des excès sentimentaux sous lesquels on l’a parfois fait couler. Faisant chanter également la main gauche et la droite, elle restitue la richesse harmonique de ces pages intérieures, équilibrant les motifs mélodiques pour en exalter la beauté polyphonique. C’est un Chopin « classique », jamais narcissique, que nous offre cette artiste sincère, dont on peut par ailleurs apprécier la pédagogie dans des masterclasses qu’elle propose à la fondation Résonnances, à Morges en Suisse et dans les différentes antennes comme à Paris.
GL
Folle nuit Mirare, salle Gaveau, 26 octobre 2013
Récital Elisabeth Sombart, salle Cortot, 17 novembre 2013