La question palestinienne a, depuis la fondation de l’Etat hébreu en 1948 pris un tour politique. La poésie n’y a pas échappé, et les auteurs palestiniens se sont généralement faits les chantres de la patrie perdue. L’originalité de Taha Muhammad Ali est d’adopter un angle intime – et au fond universel. C’est en s’appuyant sur une dizaine de poèmes, déclamés en arabe, que Amer Hlehel et Amir Nizar Zuabi ont choisi de raconter la vie de l’écrivain disparu en 2011 – avec l’aide de la biographie romancée d’Adina Hoffman, My Happiness bears no relation to happiness.
En une heure à peine, l’acteur Amer Hlelel donne un aperçu du quotidien d’un enfant de la Palestine sous mandat britannique pendant la Seconde Guerre Mondiale, avant de devenir celui d’un exilé. La naissance de la vocation du jeune garçon est jalonnée d’anecdotes où se mêlent humour et pudeur devant le tragique. Ainsi, quand les partisans des Allemands célèbrent les batailles victorieuses au rythme de marche nationaliste, ceux de l’Angleterre et ses alliés ont droit à un buffet de réjouissances. Les villageois, et leur estomac de pauvreté, auront choisi leur camp bien avant la fin de la guerre. Ou encore le retour après la fuite au Liban, découvrant un village rayé de la carte, où le jeune Taha ne retrouvera plus les marchandises de son commerce ambulant. En anglais, le comédien israélien fait vivre les couleurs d’une existence ballottée par l’Histoire, avec une économie de moyens aussi magistrale qu’émouvante. Un spectacle marquant, qui a été récompensée au festival d’Edimbourg en 2017. Tout au long du mois d’octobre dans le cadre de son programme The international selection, le Bozar fait entendre d’autres voix d’ailleurs, de l’Afrique du Sud à la Thaïlande. Entre deux expos, ça mérite le détour.
GL
Taha, Bozar, Bruxelles, septembre 2018