C’est un pur bonheur décidément, que le Théâtre du Châtelet programme à nouveau ce qui fut la meilleure comédie musicale d’il y a deux ans. Combien de générations d’enfants ont en effet grandi avec cette nounou jouée par Julie Andrews, un peu fantasque et qui mettait du soleil dans la vie de tous ceux qu’elle approchait. Et Dieu sait si les sept enfants du Capitaine Von Trapp en avaient besoin ! Leur mère morte, leur père aussi chaleureux qu’un iceberg, leur Mary Poppins se nomme ici Maria, a la voix d’un ange et le beau visage de Katherine Manley.
Cette chanteuse anglaise ainsi qu’une vingtaine de chanteurs répètent ainsi l’adaptation sur la scène du Châtelet du beau film de Robert Wise depuis près de deux mois, tout d’abord dans des entrepôts à Ivry puis, depuis deux semaines in situ. Avec à la clé, la reconstitution d’une montagne tyrolienne avec un décor à la fois kitsch et inspiré de Daniel Bianco que les artistes Pierre & Gilles n’ont pas manqué d’immortaliser pour l’affiche du spectacle. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’à quelques jours de la première le 7 décembre, tout semble se dérouler à merveille. Les voix de cette nouvelle distribution sont chaudes et mélodieuses avec ce timbre si particulier, propre aux comédies musicales. Tout comme les enfants qui jouent en alternance et bénéficient de dérogations spéciales pour répéter et chanter jusqu’au 1er janvier cette belle histoire qui traverse les générations sans vieillir. Il faut dire qu’il y est question d’amour et de résistance, deux choses ô combien universelles et intemporelles. Car, et c’est peut-être là toute la puissance de cette histoire, la grande vient rejoindre ici la petite. Le IIIe Reich commence à imposer son joug et bientôt cette jolie famille reconstituée va entrer en résistance et devoir fuir après que le père ait refusé d’accrocher le drapeau avec la croix gammée dans sa propriété et de rejoindre le haut commandement nazi.
Un staff anglais
Le « Do, il a bon dos, ré, rayon de soleil dort, mi, c’est la moitié d’un tout, fa c’est facile à chanter , etc… »- ici chanté en anglais avec les sous-titres sur le côté – devient alors presque un chant de résistance tandis que des soldats armés de mitraillettes investissent l’orchestre du Châtelet sur le magnifique air d' »Edelweiss » interprété par ce père- capitaine qui, à la faveur d’un concert, fuira avec les siens l’Allemagne, avant qu’ elle ne sombre dans l’horreur que l’on connaît. Mais, déjà, les lumières se rallument, le chef d orchestre Kevin Farrell semble heureux. Comme l’ensemble du staff présent dans la salle, il est anglais. « On pourrait faire les balances lance un assistant? ». « Excellente idée » répond une voix derrière son pupitre. Un haut parleur demande en français de reprendre position aux figurants et chanteurs, puis chacun se remet en place pour répéter les saluts devant une salle vide ! Les enfants saluent comme des enfants, dans une joyeuse pagaille, l’ambiance est festive avec cette impression que la joie de vivre qu’ ils donnent tous à voir sur scène est ici avec cette direction, bien réelle. Puis, une pause de vingt minutes est décidée avant de reprendre le deuxième acte. La scène se vide alors, les artistes se dispersent, une clarinette continue de jouer et le chef d’orchestre se met à débriefer tranquillement de sa fosse avec trois garçons à lunettes tandis que le chef-éclairagiste se perche au balcon pour régler un projecteur récalcitrant. « Aaah and then eehh », Kevin Farrell se met à chanter pour illustrer ses propos ; il est vrai que la prononciation est ici capitale avec un professeur de langue engagé, juste pour s’assurer que les chanteurs, tous anglophones, n’oublient pas de prononcer « Kurt » et autres germanismes avec l’accent approprié. Contrairement aux tournages traditionnels, aucun buffet pendant les pauses n’est ici assuré. Mais bientôt, les figurants et le chœur reviennent avec cette fois l’équipe B pour les enfants – sous les conseils de mise en scène du chef d’orchestre : « Let ‘s see if it works » et bientôt ses compliments : « Really, it was wonderful ! ». Von Trapp est de retour sur scène pour une version vocale sans orchestre, furieux que ses enfants chantent et encore inconscient du bonheur que Maria va lui apporter. Nous, nous le savons déjà, il est temps de les laisser…
Par Laetitia Monsacré