Dimanche 13 janvier 1898, il y a 120 ans jour pour jour, on fêtait l’anniversaire du « J’accuse », célèbre texte fondateur de l’expression de la colère chez un homme, écrivain de son temps et accessoirement journaliste, Emile Zola. Sa lettre au Président de la République d’alors, Félix Faure, fut publiée à compte d’auteur puis rachetée par le quotidien l’Aurore, devenu Le Figaro. En 2014, nous posions la question de savoir si Zola serait « populaire », c’est à dire, viralisé sur les réseaux sociaux? A l’époque de Twitter, de Facebook, rappelons -le, créé à l’origine pour « choper » des filles sur le campus, ou d’Instagram plébiscité par les jeunes (on y trouve entre autre Camille, quelques 100 000 abonnés friands de ses photos « moi à la plage, moi en train de manger chez Macdo » ), comment prendrait-il la parole, avec des médias dit classiques soumis à l’autocensure-la pire, aux annonceurs et aux actionnaires.
Ecrit en 1885, Germinal, livre fleuve de plus de 700 pages y romance son reportage dans les mines de charbon du Nord avec un parallèle entre l’éveil de la conscience ouvrière et la Révolution française; un siècle et demi plus tard, le récit de la vie misérable et de la révolte d’Etienne Lantier, des Maheu ou de l’anarchiste Souvarine sont toujours au programme des 4ème dans tous les collèges de France- certes en version courte, 200 pages. Et si, pour ces jeunes habitués aux réseaux sociaux, Facebook, « c’est pour les vieux », c’est sur ce réseau social que 65 000 « amis » travaillant pour l’Education Nationale, @lesStylos rouges, se sont mobilisés pour dénoncer « leurs longues études, leurs travail de plus de 40 heures par semaine, leurs conditions de travail dégradées et leur pouvoir d’achat qui fond ».
Les professions intellectuelles, les grands perdants du capitalisme
Voilà qui résume, également, les professions juridiques- juges, greffiers et avocats, en pleine reforme de la justice, tout comme celles des universitaires, du personnel hospitalier, des intermittents du spectacle, des écrivains et des journalistes. Bref, toutes les professions dites « intellectuelles », désormais synonymes de pauvreté à l’exception de ceux « en haut de l’affiche ». A ce titre, la quatrième de couverture du dernier Goncourt, Nicolas Matthieu est édifiante. « Après des études d’histoire et de cinéma, il s’installe à Paris, où il exerce toutes sortes d’activités instructives et presque toujours mal payées. (…). Aujourd’hui, il vit à Nancy et partage son temps entre l’écriture et le salariat ». Résumé: comme 90 % des auteurs, il ne vivait pas de sa plume.
Alors, ce 13 janvier 2019, pourquoi ne pas lancer le mouvement @lesStylosnoirs, dans la mouvance des Gilets jaunes où tant professions intellectuelles se reconnaissent- certains diraient avec condescendance, les fautes d’orthographe en moins- pour exprimer leur colère devant cette facture sociale imposée par le 1% des plus nantis aux 99 % de la population; huit ans après Occupy Wall Street, 120 ans après Zola, le monde regarde la France et espère, comme ce très chic Romain rencontré à Noël, « En France vous avez la contestation dans vos veines, nous les italiens, on souffre autant mais en silence ». Prenons donc tous notre plume et occupons nos « ronds-points « à nous, pour rappeler la valeur des professions intellectuelles, devenues exsangues face au tout capitalisme.
Par la rédaction