Le griffon plus ou moins embedded a fait l’école buissonnière ! En ce dimanche matin, déjà fatigué par les élucubrations macronniennes de samedi après-midi, il n’a pas eu la foi de se lever aux aurores pour assister à l’investiture de Benoît Hamon à la Mutualité ! A son corps défendant et puisqu’il faut bien trouver une excuse, la cérémonie socialiste débutait à 9 heures du matin ! Quelle idée ? C’est pour pouvoir être repris dans les JT de 13 heures lui a susurré une petite voix ! Bien malins ces socialistes de vouloir saturé les infos de la mi- journée avant de se faire voler la vedette par un Jean-Luc Mélenchon démultiplié et une Marine Le Pen offensive. Alors tout en faisant son marché, parce qu’après tout il n’y a pas que les élections dans la vie, même si l’espace est saturé de slogans, de diatribes, de projets, d’invectives et de grandes promesses, il a suivi, magie du monde moderne, à distance, ce raout socialiste. Et surprise, Benoît s’est fait voler la vedette !
La grand’messe de la gauche !
La Mutualité était pleine à craquer. 1600 militants surchauffés et ragaillardis par les derniers sondages plutôt flatteurs pour la star du jour. De tous les côtés des drapeaux, des slogans, des ministres, des anciens ministres, des députés, des sénateurs, ah l’ambiance était belle ! Au premier rang, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg, Emmanuelle Cosse, NajatVallaud- Belkacem, tous joyeux et fiers ! Pas de Manuel Valls. Le battu grincheux aura sans doute préféré ne pas montrer sa mine triste et ses ambitions déçues. Il y a aussi Christiane Taubira. Sereine, souriante, avec dans les yeux sa belle détermination. Benoît Hamon entre sous les hourras de la foule! Il s’assied sagement! Le barouf peut commencer et la litanie interminable des discours aussi. C’est parti pour trois heures d’un spectacle bien rodé, de gauche, oui vraiment de gauche ! Qui l’eût cru tout de même, lorsqu’il s’était présenté face à Martine Aubry et Ségolène Royal pour le poste de Premier Secrétaire du Parti socialiste en 2008, que ce beau garçon serait aujourd’hui le successeur de François Mitterrand, de Lionel Jospin, de Ségolène Royal et de François Hollande pour représenter le Parti socialiste à l’élection présidentielle ! Passons sur les interventions bien ternes d’Anne Hidalgo, de Jean- Christophe Cambadélis aphasique et ennuyeux et des orateurs de toutes tendances qui parlent d’actions collaboratives, d’économie sociale et solidaire, de réseaux sociaux et de la volonté d’agir en tant que citoyens du 21ème siècle ! La politique quelle sinécure ! On s’endormirait !
La foudre Taubira
Et puis monte à la tribune Christiane Taubira ! Standing ovation et militants qui claquent des mains et tapent des pieds, à n’en point douter l’ancienne Garde des Sceaux a la côte ! Sublime, célébrée, icône étoilée d’une gauche en manque d’âme l’ancienne députée de Guyane entame son discours sur l’exercice de la vie et ses combats. Une première phrase et déjà le silence se fait, l’intelligence s’installe sur scène, on l’écoute avec intérêt, plaisir et délectation. Si Jean-Luc Mélenchon peut se targuer d’être un des meilleurs tribuns de la vie politique française, Christiane Taubira rivalise sans problème avec lui. Elle est même sans doute la meilleure oratrice de la gauche voire du paysage politique. Elle réclame que la gauche devienne une gauche de combat et non pas seulement une gauche de constat. Elle invite à la bataille contre les discriminations, contre les jugements moraux, contre tous les rejets. Avec lyrisme, elle invite en un sens au voyage des mots et donne une épaisseur à toutes les choses. Elle convoque les communards, les dreyfusards, les hussards noirs de la République. Elle évoque l’anticolonialisme et les luttes syndicales. Elle remet en cause toutes les formes de domination et d’exclusion. Elle célèbre le destin collectif ! Quel bonheur de l’entendre ainsi rappeler les heures glorieuses de la gauche mais avant tout de la République. Quelle joie de l’entendre à nouveau s’exprimer avec ambition et profondeur ! Elle donne un coup de fouet à la gauche. A travers elle, la gauche parle comme elle n’aurait jamais dû cesser de parler. Au peuple, aux esprits qui refusent les choses établies, aux volontaires pour changer le monde, aux utopistes de tous poils, aux rêveurs de mondes meilleurs et de sociétés plus justes. L’onirisme s’est emparé de la Mutualité et la gauche se prend à espérer à nouveau incarner l’espérance ! Diable ! On en vient presque à regretter que ce ne soit pas elle la candidate ! Que cela aurait été beau et chargé de symboles !
Un Benoît pâlichon
Mais à trop s’enivrer, on se réveille avec la gueule de bois ! Inévitablement, le constat de gâchis dans lequel se trouve aujourd’hui la gauche revient au visage et à l’esprit des militants ! Cette gauche vibrante, joyeuse, pleine de volonté, que diable ne l’ont-ils pas incarnée durant ce quinquennat ! La confrontation entre l’utopie et le réel, toujours ce choc, cette impossibilité. Comme si la gauche était condamnée à n’être vivante que lorsqu’elle est dans l’opposition. Ah tant de regrets ! Vient le tour de la vedette de monter sur scène. Difficile exercice que de passer après Christiane Taubira. Benoît Hamon semble d’ailleurs un peu timide, s’excusant presque d’être là. L’émotion sans doute! Le poids des responsabilités aussi. Son discours assez faiblard reprend point par point les thèmes de sa campagne des primaires : le combat contre la droite et l’extrême droite, le refus d’une fuite en avant vers le libre-échange mondial, le refus du traité transatlantique, l’égalité femmes- hommes, l’invention d’un nouveau modèle économique, le refus de la croissance pour la croissance, la célébration du monde du numérique, la célébration des différences. Bref, un beau discours d’opposant ! Comme s’ils n’avaient pas gouverné ! Barre à gauche toute et rejet subtil du bilan Hollande. Allez hop sous le tapis le social libéralisme, le loi travail, les bus Macron, l’état d’urgence !
Benoît Hamon se refuse à être un homme providentiel. Il refuse d’être un guide. Il refuse l’immaturité d’une telle posture. Il célèbre l’intelligence collective. Il n’a pas su, en une heure de discours, incarner la gauche, l’habiter, ce que Christiane Taubira a, elle, su faire en moins de vingt minutes ! Quel dommage ! L’élection présidentielle n’est-elle pas après tout la rencontre presque charnelle entre un homme ou une femme et le pays ?