Stéphane Brizé retrouve Vincent Lindon après Mademoiselle Chambon. Deux taiseux « cousins de mélancolie, de colère de doutes » comme l’écrit le réalisateur pour Quelques heures de Printemps, un film magnifique qui vous plongera dans une émotion jamais factice, faite de silences, demandant aux acteurs plus encore que du talent. Une sorte de grâce que possède aussi Hélène Vincent, extraordinaire dans ce rôle de mère pleine d’amertume, incapable d’établir la communication avec ce fils violent et bourru qui sort de prison; la copie servile de son père. L’amour est là, mais il reste bloqué dans la gorge. Seul le chien est ce trait d’union entre ces deux êtres qui s’aiment mais n’ont pas appris à se le dire. Et doivent cohabiter. Alors lorsque la mère, condamnée par la médecine choisit le suicide assisté en Suisse,« au moins une chose que je décide », de fines craquelures enfin apparaitront, tout en retenue. Vincent Lindon est extraordinaire lorsqu’il s’agit des non dits, son visage, son corps parlant mieux que tout texte. Il l’avait à nouveau montré dans Toutes nos envies de Philippe Lioret et retrouve avec Stéphane Brizé, cinéaste de l’ellipse, ces mêmes silences graves, de ceux qui rendent le spectateur intelligent. Et cette vie quotidienne des gens « simples » auquel le cinéma français rend si rarement hommage, ceux qui regardent la télévision en mangeant comme dans un tableau de Hopper, le regard las après une vie, une journée de travail. Rien ne manque dans le portrait de cette femme retraitée et maniaque comme tant d’autres qui enfile une blouse pour repasser ses torchons, et passe son temps à faire un puzzle ou à ranger et astiquer pour mettre de l’ordre dans sa maison et dans sa tête; comment cela peut rendre son fils fou, cette main qui passe sur la table pour ramasser trois miettes . Les seconds rôles sont aussi bien écrits que les premiers-Emmanuelle Seigner, à la fois douce et puissante et Olivier Perrier-formidable en voisin amoureux- , autant de personnages qui comme Yvette pourraient répondre à la question de savoir s’ils ont eu une belle vie, « Je ne sais pas, c’est ma vie, quoi. « .
LM