Une ambiance de concert, 6000 militants certains de la victoire de leur champion, une cohorte de responsables politiques de droite et du centre, une star en la présence d’Alain Delon, des drapeaux tricolores qui s’agitent frénétiquement, une jeunesse engagée qui donne de la voix et tape des pieds, le Zénith est surchauffé pour fêter Alain Juppé ! Le meeting de lundi dernier a commencé comme dans les conventions américaines avec un court film sur la campagne puis la star de la soirée est arrivée triomphalement dans la salle sous les hourras de la foule; vingt minutes à serrer des mains, embrasser, saluer. Pas de doute tous les militants sont en admiration, ils sont là pour l’écouter, boire ses paroles, l’applaudir, gronder ceux qui se sont engagés derrière un autre potentat de la droite et surtout le célébrer ! Il va gagner, il a déjà gagné ! La preuve ce soir avec cette ferveur, cette dévotion, cette certitude et cette intronisation. La France a trouvé son nouveau chef !
Le bal des ambitieux
Quatre intervenants vont démontrer à la salle et aux français que la victoire est déjà acquise grâce à la force du chef, à sa personnalité et à ses talents de rassembleur ! Patrick Devedjian entame ce tour de chauffe et là on croit s’étrangler ! Celui qui réclamait une ouverture jusqu’aux sarkozystes en 2007, celui qui a succédé à Nicolas Sarkozy à la tête des Hauts-de- Seine, celui qui fut son ministre n’a pas de mots suffisamment forts pour dénoncer son ancien mentor ! Voilà une première expression publique du manque de constance des soutiens d’Alain Juppé ! Au nom du rassemblement, Devedjian s’engage donc aux côtés du maire de Bordeaux, avec cette impression que ceux qui vont se succéder à la tribune passent en réalité un entretien d’embauche pour leur futur poste ministériel ! On flatte, on cire, on complimente, on lustre ! On se renie aussi un peu mais sans grand risque, les français ont hélas si peu de mémoire ! On déroule un argumentaire bien ficelé : ne jamais se soumettre aux sirènes du populisme et refuser cette dégénérescence de la démocratie et ceux qui la manipulent. Au passage, on fait huer en même temps Donald Trump et Nicolas Sarkozy, eux les maîtres de la démagogie ! Et par opposition, on glorifie Alain Juppé pour son ambition claire et franche. Marielle de Sarnez pour le Modem en rajoute dans l’hagiographie; la parole trempée de sucre, la dirigeante centriste vante les qualités personnelles du futur chef de l’Etat: « les Français vous estiment, dans six mois c’est gagné, ici il n’y a pas de démagogie, il est temps de sortir la France de ce quinquennat interminable ». On la prendrait volontiers au sérieux et on croirait à sa sincérité sans aucune réserve si elle n’avait pas soutenu François Bayrou qui a voté cyniquement pour François Hollande au second tour en 2012 et a donc contribué à faire perdre la droite !
Le bal des cogneurs
Avec les deux derniers intervenants le ton se fait plus dur, ça tape sec ! Jean-Christophe Lagarde pour l’UDI, ovationné par une partie de la salle malgré un charisme discutable, fracasse les socialistes, les sarkozystes et les lepénistes. Tous dans le même panier! Apparemment il faut rassembler mais on choisit quand même qui doit être accueilli et qui doit être rejeté. Il faut mettre la gauche dehors, il faut dénoncer Nicolas Sarkozy qui flirte chaque matin avec l’extrême droite, il faut rassembler contre les castes, contre les corporations et contre la lâcheté nationale ! Qui est visé ? Hollande, Sarkozy, Le Pen ? Les trois surement ! La vérité est ici, dans le bon camp ! Pour le rassemblement on repassera ! Mais déjà Valérie Pecresse se présente sur l’estrade dans une liesse non dissimulée, en soutien engagé et résolu d’Alain Juppé. Se souvenir qu’elle soutenait François Fillon contre Jean-François Copé en 2012 et qu’elle fut ministre de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012 ? Non c’est inutile ! Pourquoi parler du passé ? La fidélité est bien faible face à l’ambition ! Elle joue son va-tout de future première ministre face à NKM – délicatement épargnée –, elle revendique un droit d’inventaire et comme les autres, elle célèbre le vainqueur désigné. Haro sur Sarkozy, nécessité de battre la gauche et le Front National à plates coutures, ne pas décevoir, voilà les thèmes de son discours, en faisant huer Sarkozy, mais aussi Christiane Taubira, Najat Vallaud- Belkacem et Emmanuel Macron. Elle dénonce Trump, Tsipras, Mélenchon promoteurs du populisme et promoteurs d’escroquerie. Que cela soit clair: Alain Juppé est l’antidote contre ces aventures.
L’homme de la situation ?
Il faut attendre 21h30 pour qu’enfin Alain Juppé parle, assez peu finalement. Il parle vite, sans laisser franchement à la foule le temps d’applaudir ses propositions et ses bons mots. On le sent heureux mais aussi tendu. Aurait-il peur ? Se dirait-il que le rassemblement est un beau slogan mais un slogan faible face à la colère du peuple français qu’il soupçonne certainement ? Il appelle à une participation forte à la primaire, sachant sans doute les risques qu’il encourt si seule la droite militante se rend aux urnes ! Il a besoin d’une primaire la plus large possible, la plus ouverte possible ! L’essentiel est de gagner dans son camp d’abord ! Alors il décline ses propositions: combattre le protectionnisme, combattre la gauche, combattre la croissance morte, combattre le chômage de masse, se battre pour les ruraux, se battre contre un gouvernement qui ressemble de plus en plus à une pétaudière, donner des moyens à la police, à la justice et à nos armées, redonner à la France sa voix et sa place dans le monde et réussir l’alternance.
Alain Juppé était droit dans ses bottes il y a vingt ans, il l’est encore aujourd’hui et prône le courage et la persévérance. mettant en avant son expérience, les épreuves dépassées, son envie et sa vision. Mais tout ceci sera-t-il suffisant ? Gare au syndrome Clinton ! Gare à la désillusion ! Il n’est pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne, qu’il demande à Hillary…