Du patriotisme, pas du nationalisme. François Hollande a appelé ce vendredi 27 novembre à arborer le drapeau bleu blanc rouge; tous les français ne le feront pas-dans mon immeuble ultra-bourgeois je suis la seule- avec cette idée pourtant que c’est le seul hommage que nous puissions faire. Nulle marche solidaire possible donc, en cet hiver qui vient d’arriver, où nous aurions pu être coeur à coeur comme le 11 janvier dernier, où toutes les générations et les confessions religieuses s’étaient retrouvées unies dans l’effroi et l’émotion. Va donc pour les Invalides, ultrasécurisées, et une cérémonie d’hommage national. L’Elysée a gardé secret jusqu’au dernier moment le déroulé: Nolween, Camilla Jordana, Yaël Naim, trois jeunes femmes de confessions religieuses différentes pour chanter Brel, puis Nathalie Dessay qui massacra Perlimpinpin de Barbara-une chanson à mille lieux de la colère qu’y a mise la soprane- malgré un impérial Alexandre Taraud au piano noir.
Choisir entre deux innocences
Noir comme l’assistance, des familles dont certaines ne sont là que pour en rencontrer d’autres, assez mal à laisse d’être en présence d’un gouvernement qui n’a pas su protéger leurs enfants- la plupart des victimes dont les noms furent lus avaient moins de trente ans. « Car un enfant qui meure au bout de vos fusils est un enfant qui meurt, que c’est abominable d’avoir à choisir entre deux innocences ». Les mots de Barbara n’ont pas failli contrairement à François Hollande qui, seul sur une chaise, avec une vraie tête d’enterrement, a récité son discours en savonnant, avec des expressions à la limite du ridicule « ce groupe de rock qui leur faisait l’amitié de se produire »-sic; la Garde républicaine, baïonnettes vissées aux mitraillettes, la Marseillaise retentit, « qu’un sang impur abreuve nos sillons ». Cette même Marseillaise qui fit, au moment des remises de flots, lever la salle comme un seul homme du Pôle équestre de Deauville dimanche dernier, là où généralement on l’entend en fond sonore dans une indifférence générale.
Entre méfiance et peur
La France redécouvre ainsi son identité nationale à défaut d’une union sacrée qui a volé en éclat dans le politique et dans la rue en quelques jours. Le caissier musulman de la supérette de mon quartier me racontait comment les regards se durcissent dès qu’il arrive, chaque matin, en métro à Paris. Qu’il se sent obligé d’ouvrir son blouson, montrer patte blanche comme l’on dit. La guerre civile, c’est ce que souhaitent déclencher les terroristes qui ont frappé aveuglement notre pays; des journalistes en janvier dernier, on est passé à Monsieur tout le monde. Car, ils ne veulent pas faire juste 130 morts et 69 blessés toujours hospitalisés ce matin; tétaniser les Parisiens qui, s’ils retournent dans les magasins, ont déserté les salles de spectacles- les professionnels ont réclamé 50 millions d’euros au Ministère de la Culture qui en a débloqué seulement quatre, sachant que les pertes liées aux attentats atteindraient pour l’économie française deux milliards d’euros.
Plus une réservation sur Airbnb, les palaces désertés, les taxis qui tournent à vide. Devant le Grand Palais, une petite file d’attente mais combien de musées déserts comme la Pinacothèque place de la Madeleine. On y ouvre son sac volontiers pour ces contrôles visuels qui sont une façon de vous dire: « On fait attention à vous », à la différence notable du MK2 Bibliothèque où, en ce jeudi soir de grande affluence, il n’y avait aucun vigile, aucun contrôle. De quoi faire naître la colère en assistant à l’avant-première de Taj Mahal, film anxiogène et inutile, mais rappelant qu’en 2008, 195 personnes furent tués dans un attentat à Bombay. Nous l’avions tous oublié, avec cette idée que des 11 septembre, des 13 novembre, il y en a pourtant chaque jour partout dans le monde.« S’il faut absolument qu’on soit contre quelqu’un ou quelque chose, je suis pour le soleil couchant ». Barbara pour conclure, les mots sont d’or.
Par Laetitia Monsacré
C’était Charlie, le 11 janvier 2015