Lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Sotchi vendredi dernier , un des cinq anneaux ne s’est pas pas ouvert; un dissident? On ne saura sans doute pas si cela a donné lieu a un limogeage en règle ou si le concepteur a fait comme Vatel, cuisinier du roi qui s’était suicidé car la marée n’était pas arrivée… A la télévision russe où la cérémonie était diffusée en léger différé, l’image fut parfaite. Il faut dire qu’avec 50 milliards de dollars, ces JO, les plus chers de l’histoire – un budget englobant tous les précédents JO afin de transformer une station balnéaire défraîchie en Poutinegrad – ont de quoi en mettre plein les yeux. D’autant que contrairement à 1980 (les Russes venaient d’envahir l’Afghanistan), les Etats-Unis n’ont pas boycotté Sotchi, considérant sans doute comme accessoires les civils syriens actuellement bombardés à coups de TNT lancés par des hélicoptères (encore 120 morts à Alep le week-end dernier), une fois encore avec la bénédiction des Russes. Ou secondaires les ratonnades quotidiennes des homosexuels (Tchaïkovski et son Lac des cygnes ou les artistes bâillonnés par les communistes comme Kandinski ou Malevitch étaient pourtant bien à la fête de la soirée d’ouverture). Quant à la démonstration de force de Poutine – quasiment une provocation – vis-à-vis du Caucase en organisant ses jeux à Sotchi, il y a fort à parier qu’athlètes, VIP et autres oligarques ayant payé leurs places une fortune ne connaîtront pas, vu les milliers de policiers en faction tous les 150 mètres, le sort des pauvres Russes qui ont eu le malheur de prendre leur train à Volgograd en janvier dernier – 17 morts.
Comme dans la bonne vieille Russie
Chapitre droits de l’homme dans le pays, pour quelques prisonniers emblématiques libérés comme l’ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski, les Pussy Riot ou des activistes de Greenpeace, combien d’opposants au régime sont encore dans les prisons de Russie? Comme pas plus tard le 5 février dernier, Evgueni Vitichko, activiste écologique qui, à la suite d’une scène digne de Gogol, – il aurait juré contre le système en attendant son bus (sans doute un faux témoignage d’un gentil citoyen qui comme aux grandes heures du KGB, a relaté l’incident à la police) – a été envoyé à l’ombre pendant quinze jours. Le temps de le faire taire auprès des médias occidentaux – il risque par ailleurs trois ans de prison pour son rapport accablant montrant combien Sotchi ne rime pas avec écologie; un aéroport, deux gares ferroviaires, 200 km de voies ferrés, 400 km de routes et 77 ponts, mais aussi 12 tunnels, des stations de ski, trois villages olympiques, cinq patinoires géantes et de nombreux immeubles. Alors, on a abattu sans gêne et sans reproche 2.000 à 4.000 hectares de forêts, ni sans aucune préoccupation écologique selon le WWF, de l’impact sur les espèces animales; on a sacrifié un village qui, depuis 2008 n’a plus d’eau courante ni de route, exproprié ses habitants sans indemnisation, tout cela pour une route à laquelle ils n’auront même pas accès, malgré les promesses.
Pour les ouvriers sur le chantier, voilà qui ne fut pas non plus très éthique avec, selon l’exceptionnel travail de l’ONG Human Rights Watch, la très grande majorité des travailleurs interrogés qui faisaient des cycles de travail de 12 heures, sept jours par semaine, pour environ 1,35 euro de l’heure, lorsqu’ils avaient la chance d’être payés… Sans compter les problèmes de logement avec jusqu’à 200 personnes entassées dans une maison!
Tout cela ne nous regarde pas
« On est beaucoup trop stressé pour avoir des considérations politiques ». Voilà comment s’exprimait pour sa part un athlète français tandis que Daniel Bilalian (bientôt à la retraite on espère) enjoignait, homme sandwich vêtu d’un blouson avec un énorme « Sotchi » à changer de sujet et « parler de sport ». Comme pour saluer l’entrée en piste de la pauvre Grèce, pays exsangue et abandonné à son triste sort économique. Puis regarder les hôtesses russes accompagnant chacune des délégations, matriochkas nouvelle génération, qui avec leur jupe fendue ressemblaient plus aux filles qu’on croise près des grands hôtels et bars à la mode de Moscou ou St Petersbourg…
Mais, ne soyons pas de tristes sires: « Place au sport » et aux Français qui pour l’instant n’ont encore rien gagné. Un point commun avec le peuple russe, qui à part Poutine et les plus riches, ont juste droit de se réjouir et « participer » devant leur télévision. Mais n’est-ce pas là le plus important selon le baron Coubertin? A la réflexion, après Berlin en 1936 et Pékin en 2008, rien n’est moins sûr…