Le 13 octobre dernier Jamal Khasoggi aurait eu soixante ans. Il est mort onze jours plus tôt, la veille de son mariage, assassiné froidement et avec préméditation, dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul où il se rendait pour récupère un document nécessaire à son mariage avec sa fiancée turque, Hatice Cengiz. Oui mais voilà tout comme la journaliste d’investigation russe et militante des droits humains, Anna Politkovskaïa, tuée par balle en 2006 à 48 ans, en sortant de chez elle à Moscou (ou encore six autres journalistes ou collaborateurs de Novaïa Gazeta qui ont été tués entre 2000 et 2009, dont Natalia Estemirova à 50 ans) Jamal Khashoggi, entré en dissidence en 2017 et exilé aux Etats Unis à la suite de l’avènement de Mohammed Ben Salmane dit MBS au statut de prince héritier et de dirigeant de fait du pays, écrivait des articles dans le Washington Post qui ne plaisait pas au gouvernement. Khashoggi, un nom qui vous dit quelque chose? Jamal Khashoggi était bien de la même famille qu’Adnan Khashoggi, milliardaire marchand d’armes, il en était son neveu et était également le cousin germain de du célèbre Dodi Al Fayed, tué à Paris dans un accident de voiture aux côtés de sa maîtresse Diana, princesse de Galles, dont le père était le richissime propriétaire d’Harrod’s. Enfin, son grand-père était par ailleurs le médecin personnel du roi Ibn Séoud, premier roi de l’Arabie saoudite moderne.
Des services secrets au Frères mulsumans
Fin 1970, comme beaucoup de jeunes Saoudiens, il avait soutenu la résistance afghane contre les Soviétiques. C’est d’ailleurs en Afghanistan qu’il fit ses premières interviews d’un certain Oussama ben Laden, les familles Khashoggi et ben Laden étant amies de longue date. Après ses études aux Etats Unis comme tout riche saoudien qui se respecte, il sort diplômé de l’Université d’Indiana en 1982 et adhère de retour à Ryad au mouvement des Frères musulmans. Il débute alors sa carrière de journaliste dans différents quotidiens et hebdomadaires saoudiens, dont Saudi Gazette, avant d’être nommé rédacteur en chef de Al Madina avant de devenir de1991 à 1999, correspondant en Afghanistan, Algérie, Koweït et au Soudan, puis devient, à 41 ans, le rédacteur en chef adjoint de Arab News, le principal journal en anglais d’Arabie saoudite. Une époque où il mêle les genres- pas vraiment très déontologique, avec les services renseignements saoudiens dont le chef, le prince Turki Al-Faycal, notamment pour contacter Oussama ben Laden et le persuader de rentrer au pays- sans succès comme chacune sait.
La Disgrâce avant la mort
2003, il est nommé rédacteur en chef d’Al-Watan mais, jugé trop progressiste, il est licencié par le ministre saoudien de l’Information après avoir publié plusieurs commentaires soulignant l’influence du pouvoir religieux en Arabie saoudite. Il choisit alors de conseiller Turki Al-Faycal, adversaire d’un certain Mohammed ben Salmane. Quatre ans plus tard il est nommé directeur de Al-Arab News à Bahreïn, entamant en parallèle une collaboration avec différents médias internationaux comme spécialiste du Moyen-Orient.La disgrâce arrive avec sa rupture avec Mohammed ben Salmane, lorsque celui-ci accède au pouvoir en juin 2017; Jamal Khashoggi s’exile alors aux États-Unis.
La communauté internationale sanctionne
Aujourd’hui son nom est devenu celui d’un martyr, découpé en morceaux au sein du consulat d’Arabie Saoudite qui a utilisé un sosie pour faire croire qu’il en était sorti. Dans son édition du , le Washington Post a laissé une colonne blanche sous la photo de Jamal Khashoggi et a titré A Missing Voice. Le journal affirme le 12 octobre que la Turquie possède des enregistrements audio et vidéo qui prouvent que le journaliste a été interrogé, torturé, assassiné puis démembré. Deq uoi mettre en émoi la planète politique avec Donald Trump qui reclame des explications et Erdogan, le Président turc qui se présente comme depuis le 2 octobre 2018 défenseur des droits de l’homme et de la liberté d’informer dans son pays où ils sont quotidiennement bafoués. La Chancelière Angela Merkel annonce alors la suppression des livraisons des armes à Ryad ( Donald Trump semble hésiter avec 100 milliards de $ à la clé tandis que Jean-Luc le Drian, ministre transparent des Affaires Etrangères français s’offusque d’un « meurtre contre un journaliste », avec circonstance aggravante- « au début non avoué ». Ah, les méchants, quand on pense qu’ils ont tenté de cacher leur crime!
Quant au « Davos du désert « qui débute ce mercredi à Ryad, les forfaits se multiplient, malgré que le gouvernement saoudien n’ait déclaré mardi que les toutes les personnes impliquées dans le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi devront rendre des comptes, «peu importe qui elles sont»; EDF, Siemens, Société Générale mais pas Total, pétrole saoudien oblige, Christine Lagarde, le Secretaire au Trésor américain. Seuls les Russes et les Chinois n’ont pas bougé: tuer un journaliste dissident, voilà un terrain connu pour eux…