Il y a plus de cinquante ans, l’Abbé Pierre lançait son désormais célèbre appel: » Mes amis, au secours…
Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent ! »
En décembre 2006. Le candidat Sarkozy déclarait : « Si je suis élu, je veux que d’ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir ». Nous sommes quasiment à la fin de son mandat avec un bilan effrayant en ces températures qui baissent : 3,6 millions de mal logés, 1,2 million personnes en attente d’un HLM et 100 000 SDF. Voilà la dure réalité française. Alors, quand frigorifiés, les français croisent un sans abri dans la rue, un français sur deux dit avoir peur de devenir SDF.
A qui la faute?
Alors comment en est-on arrivé là ? Tout d’abord, il y a l’envolée des prix de l’immobilier : +120% depuis 2000. Malheureusement, on est loin d’avoir suivi la même tendance côté salaires… Du coup, au moindre incident de parcours -divorce, licenciement, maladie, tout part en vrille, sachant qu’aujourd’hui 25% à 50% du budget d’un ménage part dans le logement.
Pourtant depuis 2007, le gouvernement a mis en place de nombreux dispositifs pour éviter d’en arriver à des situations catastrophiques. Le plus emblématique peut-être est le fameux droit au logement opposable, dit « Dalo ». Une excellente mesure en l’état qui permet depuis 2008, à tout citoyen mal-logé de se retourner contre l’Etat. Grâce à cette mesure, 19 000 personnes ont ainsi pu être relogées. Mais dans les faits, le Dalo c’est avant tout un parcours du combattant : 6 mois pour passer en commission plus 6 mois avant d’avoir les clés de son nouvel appartement. Difficile d’être aussi patient quand on est à la rue… 27 500 ménages attendent toujours pour faire valoir leur droit au logement opposable. Une situation insupportable d’où, le Comité de suivi de la mise en œuvre de la loi sur le Dalo qui a remis le 30 novembre dernier un dernier rapport : « Monsieur le Président de la République, nous vous le demandons avec insistance : faisons enfin appliquer la loi Dalo et faisons en sorte que l’Etat cesse de se comporter en hors la loi ».
Des mesures sans effet
Autre mirage, « la maison à 100 000€ » de Jean-Louis Borloo, un fiasco. Ou encore la niche fiscale « Scellier » qui permet aux propriétaires de déduire de leurs impôts des investissements immobiliers s’ils s’engagent à louer pendant neuf ans. Un dispositif tellement inefficace et injuste, que sa suppression fin 2012 vient d’être votée par le Sénat. « Parole, parole…», chantait Dalida. Pour les associations de défense du droit au logement, le gouvernement manque cruellement de motivation pour transformer ces bonnes intentions en mesures pérennes.
Christophe Robert, Délégué Général adjoint de la Fondation Abbé Pierre rappelle qu’il existe aujourd’hui plus de 2 millions de logements vacants, dont certains appartenant à l’Etat, « sans compter les hôpitaux ou les préfectures désaffectés et vides ». Aujourd’hui, il manque au moins 800 000 logements pour que tout le monde ait un toit. « Le problème c’est que le logement n’est pas considéré comme un objectif politique en tant que tel, poursuit Christophe Robert. D’ailleurs je remarque que c’est un sujet très peu discuté dans le détail par les candidats à la présidentielle. Car oui, pour mener une politique logement digne de ce nom, il faut du temps, et un quinquennat c’est 5 ans… ». En attendant, cette année, la trêve hivernale s’est accompagnée d’un triste record avec 14 000 expulsions à Paris. Et si c’est souvent en hiver qu’on se rappelle que les SDF existent, le collectif « Les Morts de la rue » rappelle que c’est la rue tout court qui tue. Meurtre, suicide, infections, sous-nutrition, usure physiologique…autant de maux qui n’attendent pas la chute des températures pour se manifester. Christophe Louis, président du collectif, précise : « En dix ans, nous avons appris le décès de plus de 3000 personnes de la rue. Et encore, nous ne sommes pas au courant de toutes les morts… ».
Soyons surs en tous cas, que le Président Sarkozy aura, dans les jours de grands froids qui viennent, toute l’attention tournée vers lui et que chaque SDF mort lui coûtera très cher dans la campagne, même s’il ne s’est pas encore déclaré.