Prévue initialement pour l’automne 2020, et reportée en 2021 pour cause de crise sanitaire, la nouvelle production de Paul-Emile Fourny de la comédie musicale homonyme que Mel Brooks a tirée de son film Frankenstein junior, reprise cette année, est un clin d’oeil plein d’humour, aussi opportun qu’irrésistible, à l’imaginaire de fantômes et autres créatures inquiétantes d’Halloween par l’Opéra de Metz. Créé en 2007, le spectacle de Broadway était d’abord conçu par le metteur en scène américain comme une manière de donner une seconde vie à son long-métrage, lequel rendait hommage au cinéma de James Whale qui avait décliné dans les années trente la légende du héros de Mary Shelley.
En 2011, Stéphane Laporte, l’une des figures essentielles d’aujourd’hui de l’importation des succès de Broadway, réalise une adaptation en français pour le Théâtre Déjazet et qui revient sur les planches lorraines dans un nouveau spectacle signée par le directeur des lieux. L’intrigue porte l’empreinte de la verve comique de Mel Brooks : titulaire d’une chaire d’anatomie dans une université de la côte est, Frederick Frankenstein, qui préfère américaniser son patronyme en « Frankenstine » pour gommer l’ascendance d’un grand-père passé à la postérité comme créateur de monstre, vient d’hériter du patrimoine familial et doit se rendre en Transylvanie. Mais de ce retour aux sources, le jeune professeur ne sortira pas indemne et les vieux démons de la famille ressurgiront dans une succession de péripéties au milieu de personnages étranges et effrayants, drôles et attachants, qui renverseront les amours et les destins.
Une comédie musicale irrésistible et décalée
Dans les décors d’Emmanuelle Favre et les costumes de Dominique Louis, qui, sous les lumières de Fabrice Willaume, jouent habilement de certains codes visuels du septième art pour alimenter la dérision des films d’horreur, Paul-Emile Fourny signe un spectacle fidèle et réjouissant, pour petits et grands, avec le concours de la chorégraphie enlevée de Graham Erhadt-Kotowich. L’arrivée au château au milieu d’une nuit maussade, les rumeurs faussement inquiétantes ou encore la caractérisation des personnages illustrent cette vitalité humoristique qui, par un renversement des situations habilement mené, conclue à happy end dans cette Transylvanie abhorrée.
Le plateau témoigne d’une généreuse maîtrise des codes de la comédie musicale. Dans le rôle du Docteur Frederick Frankenstein, Vincent Heden se révèle irrésistible dans la résistance à l’hérédité. Léonie Renaud ne montre pas moins de saveur dans les minauderies sophistiquées de la fiancée d’Elizabeth Benning autant que dans son basculement vers l’animalité face au Monstre placide campé par Jean-Fernand Setti. La galerie autochtone grime l’effroi avec une gourmandise réjouissante, entre les raucités de la Frau Blücher campée par Valérie Zaccomer, l’incarnation d’Igor confiée à Grégory Juppin ou le sentimentalisme passablement nymphomane d’Inga que résume Lisa Lanteri. Outre les figures secondaires, le choeur préparé par Nathalie Marmeuse complète cette joyeuse troupe qui swingue sur la direction alerte d’Aurélien Azan Zielisnki, dans une partition où Mel Brooks n’hésite à citer le Puttin’ on the Ritz de Irving. Un Halloween décalé à consommer sans modération.
Par Gilles Charlassier
Frankenstein Junior, comédie musicale de Mel Brooks, Opéra de Metz, octobre 2022.